Les
ciels de Robinson
Il croira, dans son isolement, inventer la
nuit, les étoiles et la lune.
Il souffrira sans doute en apprenant que d'autres, loin de son île, s'y étaient employés avant lui. Mais davantage l'affligera l'idée que d'autres encore, en même temps que lui (dans le temps du clapotis qu'il sentira sous ses pieds), voudront pareillement donner le jour à la nuit.
Il renoncera.
Il essaiera alors d'enfanter la mer, la pluie et le soleil.
Il échouera.
Tout au bout, il comprendra, sous les palmes, dans le son des vagues, qu'il aura inventé le temps et la solitude.
*
Delta
En dessous est l'ancien delta
Les marécages où tournent et s'embourbent les vases sèches
Les marécages où tournent et s'embourbent les vases sèches
Mes lèvres ont quitté la soif — c'est fait
Dans l'âme, en repli sur soi, centaines
d'agrafes
— Des mammifères —
Volent dans la nuit cajun, s'accrochant à ton jupon
— Des mammifères —
Volent dans la nuit cajun, s'accrochant à ton jupon
Il se teint de rouge
Et mes cils sont d'argile.
Raphaël Rouxeville a étudié et enseigné les lettres
modernes. Originaire de Normandie, il vit dans la Nièvre depuis dix ans. Né en
1971, l'écriture poétique lui est tombée dessus tardivement, sans crier gare
(ni rien d'autre), à partir de 2015. En 2017, certains de ses poèmes ont été
publiés par Terre à
ciel, Le Capital des mots et la revue Décharge. Présent dans les n° 19, 20, 21 et 22 de Lichen.
Belle description psychologique du Robinson commun.
RépondreSupprimerSouhaitons lui de rester sous ses palmes et de ne pas chercher à rejoindre ce delta sec, d'une sauvagerie brute que ne désaltère aucun jupon.
Oh ! Quel beau commentaire, éclairé et éclairant, qui bâtit un pont de bois, de bambous, entre mes ciels et ce maudit delta ! Merci milliards de fois, Eric !
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