Marie-Claire Chouard


Kora

En face de la maison il y avait un arbre. Affolé de lumière, seul au milieu de nulle part. J’ai l’écho de ce goût du fruit du jujubier sur la langue. Quand je ne savais pas encore qu’écrire me parlerai de moi. Ce matin, c’est cette odeur venue je ne sais d'où qui m’a fait le chemin jusqu’au souvenir des matins remplis de soleil quand l’insouciance déborde. Toute cette innocence. Je voudrai redevenir cette enfant. Celle qu’on appelait Marie-Noire. Celle qui se cachait sous le grand chapeau du jardinier. Me reviens « I ka kéné » et les mots chapelets en cascades qui sont les salutations bambara qui prennent soin de tous les membres de la famille de celui que l’on salue. J’ai grandi au milieu de la brousse, dansé dans la terre rouge latérite. J’ai joué avec des scorpions et toutes sortes de dangers inconnus de moi alors. J’ai grimpé sur des flamboyants en fleurs. J’ai défié des baobabs du haut de mon enfance. J’ai porté mes poupées dans le dos comme les mères africaines promènent leurs enfants. Avec des pagnes aux multiples couleurs enchanteresses. Je ne suis pas d’ici et mon monde est brisé bien loin. Tandis que le fleuve Niger traverse mon pays-cœur. J'ai tant envie que tu me tiennes la main. Je ne peux partager. Impossible de te murmurer mes secrets, toutes ces langues étrangères que tu ne peux comprendre. C’est comme des pudeurs d'une femme nue. Tout juste puis-je t’inviter au son de la Kora à faire ce voyage. Je lutte encore quand je n’ai qu’un souhait. 
Viens, c’est là le chemin.









Née en Bourgogne en 1960, Marie-Claire Chouard a vécu toute son enfance en Afrique pour un retour en France en 1981. Elle vit aujourd’hui en Seine-et-Marne. Elle ne vit pas de ses écrits et la poésie est une vraie passion. Très jeune initiée  à la  poésie par son père,  grand amateur de littérature, celle-ci fait partie de son univers. Femme malentendante — ce qui parfois lui fait « aborder » les émotions, les sens et les mots avec une façon bien particulière qui frôle l'intime comme un écho qui peut résonner chez ses lecteurs —, elle écrit comme un besoin de raconter ses émois. Lire son blog « Écrire en vrac » : http://sebelikela.blogspot.fr/Présente dans les 21, 22, 23, 25 et 26 de Lichen.

6 commentaires:

  1. Bijou de mots avec sa juste part d'ombres et de rutilement... Celui qui le dirait exotique mériterait la punition indulgente de devoir avaler ce magnifique poème...+++

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    1. @ Clément G.Second....Je ne peux que remercier humblement.

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  2. Merci Marie-Claire mais, oh non : bien fièrement...

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  3. Difficile de comprendre et pourtant... Quel voyage bouleversant ! Merci.

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  4. @ Bénédicte... oui....merci à vous de me lire !

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