Les corps allongés
Chaque matin
ils nous attendent
étendus sur la plage blanche
de leur lit de réanimation
comme des marins
recrachés par la grande marée
échoués sur des bouées
Lunes des néons
Nous venons ici
pour les tourner
délicatement
un par un
sur leur flanc puis sur leur dos
afin que leurs corps lourds
et leurs visages tuméfiés
ne s’abîment pas
au sable des dunes
inhospitalières
Peau huilée massée protégée
À la fin du jour
nous nous glissons à leur côté
pour les retourner
un à un
sur leur flanc puis sur leur ventre
afin qu’ils recrachent
à leur tour
de leurs poumons de noyés
le sable et l’écume
de la grande marée
Au soleil couchant
persiste en filigrane
sous nos paupières diaphanes
l’image flottante de tous ces corps
allongés
Neurochirurgien, humaniste social et militant contre les armes sublétales né en 1974 à Arras, Laurent Thinès écrit de la poésie pendant ses nuits d’insomnie. Sa poésie privilégie, autant que faire se peut, la force des émotions à la forme. Il a publié plusieurs recueils de poésie et de nombreux poèmes dans les revues Filigranes, Comme en Poésie, Traction-Brabant, Arpa, Poésie/Première, Nouveaux Délits, Dissonances, Verso, À l’index, Europe, Décharge et Traversées. Son blog : http://poemelorenzaccio.canalblog.com. Présent dans les n° 43, 52, 53, 54, 55 et 56 de Lichen. Ce poème estextrait du recueil : Bribes de pandémie.
Très émue par ce texte qui résonne fort. La métaphore filée est magnifique, elle rend sa dignité à ces corps échoués que vous avez dépeints avec pudeur et délicatesse.
RépondreSupprimerJe la croyais seule, elle ne l'était pas.
Je lui ai écrit un poème qui commençait par ces mots : "Nous marcherons encore le long des plages sans fin, en étau entre l'océan et la dune"...
Votre poème me fait du bien.
Merci.