Hoda Hili


La main

la plume nouée par les phalanges, des orvets élancés qui se brisaient sur le papier comme sur une pierre blanche (de celles qu’on déterre pour cultiver et qui se révèlent sur des tas battus par les pluies), la main voulait et crier et rire

elle ne pensait pas mais elle pansait bien, et souvent, avec la douceur d’une paume sans ride

la mensale les psaumes les versets les syllogismes

ignorer les modes d’emploi et autres destinées, confondre les impératifs, caresser l’eau des rivières agitées d’après les déluges, se détacher du reste corporel et flotter sur les courants pour se rompre de vitesse, serpent de verre propulsé contre le rocher

un lendemain indéfini était certain : un jour, elle serait douée d’autotomie et de ses nervures en lambeaux pousserait une queue d’anguille

elle s’échapperait d’elle-même, comme un ça, un rien

naissant, libérée de faire, au silence de l’être











Hoda Hili est philosophe de formation. L'indicible tu par le concept, porté par l'autre langue qu'est la poésie (comme dit Yves Bonnefoy) est son medium de prédilection. De Rodenbach à Vence est son premier recueil poétique (éd. de l'Eau Douce, 2016). Elle a également composé pour la revue Lichen, au fil de l'eau : les Nasses. Présente dans les n° 4, 6, 7, 8, 10, 11, 12, 14, 15, 16, 21 et 24 de Lichen. 

2 commentaires:

  1. La main, du pansage de nos mots et maux à un silence inaugural, comme ça, un rien, de rien... L'âme, hein ? Me voilà parti à rêver au clavier sur vos lignes d'une belle mensalité ! :)

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  2. "La mensale...." Mais tout me parle. Belle écrivante que cette main là.

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