Sécheresse
Ils vidèrent l’Ourcq
Comme on vide une volaille
De ses entrailles
Tournant le poignet d’une main
de fer
Ouvert, le robinet
Secret, imaginaire,
Le fond du canal se fit tout sec
C’était une anticrue
L’hiver était à son paroxysme
d’hiver
D’un froid blessant
Et sous une chape bleue presque
amicale
Un tout petit clin d’œil de tout
petit soleil
Le sable des canaux
Resta craquelé
Les semaines passaient
Mais pas un mot
Les promeneurs fixaient
De leurs yeux ahuris
Dans le trou béant
La collection d’objets perdus
Retrouvés les patins
Le matelas deux places
Le parapluie, l’encyclopédie
La canne à pêche, le carburateur
de la mobylette
Dans le journal soudain
On annonça
Que l’eau reviendrait
Les travaux étaient finis
Mais je continue d’errer
Le long de l’Ourcq
Mon ventre est vide
Comme celui du poulet prêt à
rôtir.
Gaëlle
Moneuze vit à Paris et à ses
heures perdues (il n’y en a malheureusement pas beaucoup), elle écrit. Lauréat
d’un concours de nouvelles, un de ses textes a été publié en 2014 dans le
recueil collectif Passage à l’Acte (éditions la Passe du
Vent). Elle collabore aux revues Scribulations et Rue
Saint Ambroise et travaille actuellement une collection de récits qui
explorent les aléas de l’identité et les liens filiaux dans un monde brutal. Ce poème est extrait du recueil Dictionnaire
Poétique des femmes, inédit. Présente dans les n° 19, 20 et 21 de Lichen.
La réalisation des lacs du Der et de la Forêt d'Orient, destinée à protéger les parisiens des crues, a enseveli plusieurs villages. Lorsque ces retenues sont vidées, on peut voir des fantômes errer sur les berges,"Le ventre vide comme celui du poulet prêt à rôtir."
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