Frédéric Perrot


La nuit élucidée
                                                                      Pour Kelig,                                                                          
           
            Un orateur – Il était passé maître dans l’art de prononcer de longs discours pour lui-même, les yeux ouverts dans l’obscurité.

Contre le ressentiment – « Vos écrits sont encore bien amers. À votre place, je commencerais par me purger de mon venin ; car qui croyez-vous donc piquer avec votre langue  de vipère ? »

Ou : « Je n’aime pas votre manière de juger l’humanité entière, sans avoir pris la peine de vous considérer vous-même…»

 « Il parle tout seul » – « Et alors ? Il passe des heures et des heures en sa seule compagnie ; à un moment ou à un autre, il lui faut bien entendre une voix humaine, fût-elle la sienne… »

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La nuit élucidée – « Souvent la nuit nous comble de révélations provisoires ; nous avons le sentiment de parvenir à une vaste compréhension, non de nous-mêmes – car pour cela, le jour suffit –, mais du malheur commun et de ce qui agit les hommes… Et s’il n’était pas trois heures du matin, nous lancerions sans doute un éclatant Eurêka ! Hélas, à chaque fois, ces rapides éclairs de compréhension et les élans de joie qui les accompagnent, s’achèvent dans l’ironie et la dérision d’un sommeil de brute, qui les engloutit… »

 « Au cœur de la nuit » – « Quelques mots qui ne veulent rien dire ; car la nuit n’a ni « cœur », ni « profondeur » : la nuit n’est que le temps tel qu’en lui-même, le temps nu – Expérience éprouvante, souvent douloureuse… »

Ou : « Je comprends fort bien tous ceux, dont moi, qui ne supportent pas la nuit et n’ont d’autre but que de l’habiter artificiellement ou de la traverser à vive allure, au gré de l’ivresse…»

Sans trace d’ironie – « Ces nuits, nous les avons vécues jusqu’au bout et intensément. Nous étions là, avec des amis, et la conversation nous portait, nous passionnait. Nous avons beaucoup ri, et parfois au fil de la conversation, nous nous sommes livrés, plus que nous l’aurions voulu… Mais quelle importance ? Nous étions vivants et nous ne voulions surtout pas dormir… »







Né à Nancy en 1973, Frédéric Perrot vit près de Strasbourg. Présent dans les n°s 7, 10, 12, 14, 15, 17, 18 et  19 de Lichen.

7 commentaires:

  1. La nuit ouvre à ces autres dimensions de soi-même, espace volontiers halluciné. Vous rendez bien ce "dérèglement" de la raison dans les alcools de la nuit, avant que le jour nous plaque sur le sol rugueux de la réalité. La poésie est là, dans cet état second, entre veille et sommeil, ce sentiment de vie qui se surpasse. Vos mots veulent dire, eux, et le disent bien.
    Michel Diaz

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  2. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  3. Merci pour votre commentaire, auquel je n'ai rien à ajouter. Merci

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  4. Commentaire de Guy Lebressan : Très intéressant et original. J'aime beaucoup. Une très belle écriture.

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  5. Merci pour votre commentaire, qui après une longue journée de travail, où presque rien n'a été élucidé, tombe à pic! Merci.

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  6. Oui, c'est très bon. Oh, il pourrait y avoir des dizaines de choses à écrire avant d'approcher un tant soit peu l'élucidation de la nuit. Olivier

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  7. Merci pour votre commentaire. Vous avez raison ! La tentative d'élucidation n'est jamais terminée, elle se poursuit. Merci à vous.

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