La ronde du
périphérique
Au
moment où il vient effleurer de ses premiers rayons la Porte Dorée, si bien nommée, l’astre solaire en aura parcouru des
kilomètres. Il aura fait le tour de la terre, réchauffant tous les pays
d’Orient aux noms si sonores. Le soleil, là-haut, de son orbite géométrique, va
suivre la courbure de la ville en frappant à toutes les portes.
Et
chacune, à sa façon, lui racontera une histoire. À la Porte de Charenton, on y enferme toujours, lui dit-on. À
la Porte d’Italie, murmure sans cesse
un air de vacances. Et l’astre ne s’y trompe pas, en brûlant de toute son
ardeur.
D’autres
portes lui sont d’étranges inconnues. Ou bien, les prudes, elles se cachent à
son regard éclairant. Qui s’intéresse à la Porte
Pouchet, à la Porte Jaune ou à la Brune ? Et le soleil a beau insister,
la Porte des Ternes sera toujours
aussi fade.
À
la Porte de La Chapelle, il la
cherche cette chapelle introuvable, bénédictine ou romane, sonnant les matines ou les vêpres aux
différentes heures de sa lumière. Il illumine plutôt des bazars et des gens aux
parlers chantants qui ont quitté leurs pays écrasés de soleil pour venir se perdre
ici, quelque peu éberlués et au regard parfois
déçu. À côté, la Porte Clignancourt résonne à l’unisson
de bruits de ferraille et d’objets d’occasion comme des cymbales du soleil.
À La Muette, les petits enfants des beaux
quartiers dorment dans des lits profonds. Quand ils se réveillent, bien après
le premier soleil, ils posent leurs pieds nus sur des tapis épais, soyeux et
moelleux dont on n’a pas idée à Pantin.
D’autres
portes, champêtres celles-là, à La Plaine
ou aux Lilas, ou encore à La Poterne des Peupliers veulent
attirer, chacune, l’astre lumineux, l’inviter à folâtrer, à faire des
galipettes au milieu des foins.
Enfin,
quand le soleil éclaire de ses ultimes feux l’Ouest, c’est curieusement au Point du Jour qu’on observe son dernier
rayon qui fuit, là-bas, au loin et s’éloigne de la ville au moment où les
allumeurs de réverbères, derrière leur écran bleu d’ordinateur se décident à
intervenir et à supplanter l’astre déclinant.
Charles Duttine
enseigne les lettres et la philosophie à Paris. Son engagement dans l’écriture
est récent et il a fait le choix de textes courts ou encore du genre de la
nouvelle. Il participe à quelques revues ou sites en ligne (L’ampoule, pastiches.net, la Gazette de la lucarne des écrivains, bloganozart, autour du court…). Un recueil
de nouvelles Folklore est actuellement en souscription et
sur le point de paraître aux éditions La Ptite Hélène : http://www.laptiteheleneeditions.com/boutique/folklore.html. Présent dans le n°
23 de Lichen.
Déclinaison des lisières de Paris menée avec entrain, finesse... et sous le soleil !
RépondreSupprimerMerci de ce commentaire ... j'ai bien apprécié votre texte fait de chuchotements ...
Supprimer