La boutique de rêves
C'est
pas compliqué. Il y a deux sortes de rêves. Les naturels et les artificiels.
Les naturels, c'est les moins chers, forcément. On l'enregistre pendant votre
sommeil, et à votre réveil on vous donne la vidéo de ce que vous avez rêvé.
Vous pouvez la regarder chez vous tranquillement ou la montrer à votre psy,
enfin vous en faites ce que vous voulez, c'est vous qui voyez. Les artificiels,
le prix dépend de ce que vous cherchez. Oh ! Vous m'écoutez ? OK. On a nos
scénaristes qui travaillent avec nos programmateurs juste là voyez ? On peut
vous proposer des histoires, y en a en promo en ce moment, sinon vous venez
avec votre propre histoire et on vous la programme, là c'est plus cher bien
sûr. Et puis ça dépend de la complexité du scénario, du nombre de personnages,
des décors, de la mise en scène, bref, on vous fera un devis. Ah d'accord,
c'est pour un rêve de combien de temps ? 15 heures !? Ah, c'est beaucoup. Mais
ne vous inquiétez pas, vous pouvez payer en plusieurs fois.
Non, on
n'a pas le droit de programmer des meurtres. Le gouvernement a peur des effets
secondaires. Même si eux ils hésitent pas à faire des cauchemars pour torturer
des gars... paraît même qu'à Guantanamo y en a un qui s'est suicidé parce qu'il
avait trop peur de s'endormir. Il rêvait chaque nuit qu'il bouffait ses
enfants, vous imaginez un peu ? Enfin... c'est que des rumeurs. Vous prenez
quoi alors ?
Autant intéressé par le cinéma que par l’écriture, Antoine Janot réalise des documentaires et des films de fiction. Il a publié un roman, Le croque-neige (L’Harmattan), et un recueil de nouvelles et de poésies, Histoires courtes (Les Impliqués éditeur, 2018), dont ce texte est tiré. C'est sa première apparition dans Lichen.
Comme l'écrivait Philip K. Dick à la fin de sa vie : "Nous sommes bien dans la caverne de Platon. Le problème, c'est que les films qu'on nous passe sont pourris." Merci pour ce bon texte.
RépondreSupprimerL'idée de départ me plait assez. Le ton aussi, très léger, directe, presque amical sur un sujet qui peut être assez horrible parfois, souvent loufoque.
RépondreSupprimerApres coup je me suis souvenu de pas mal de photos de lichens (tiens !) que j'ai faites il y a deux ou trois ans. Tous les lichens m'intéressent, et surtout ils évoquent justement (pour moi) le rêve, le songe, l'improbable...
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup l'idée, on dirait le synopsis pour un film
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