Olivier Bastide

 

Moi, Vernon Sullivan

 

parce que ne peuvent suffire quelques sentences propres d’homme bien élevé parce que votre laideur s’insinuerait encore par-delà votre mort dans les plis de nos vies parce qu’à ce compte-là il est de mon devoir il est de mon honneur une dernière fois  dans votre dernier lieu de souiller votre nom avant qu’il soit mémoire afin d’en empêcher toute consécration être votre assassin d’âme, sachez-le,

J’irai cracher sur vos tombes

 

car vous devez savoir que vous êtes en tort que toute votre vie toutes vos conceptions vos regards sur les uns sur les autres que vos goûts vos dégoûts votre idée du beau du bon du bien est entachée à l’origine par une tare indélébile qui tue dans l’œuf ce qui eût été sans cela qui sait acceptable convenable ou même désirable car vous devez savoir ce que vous ne saviez jusqu’à m’entendre,

Les morts ont tous la même peau

 

et c’est indubitable et c’est la grande belle douce éclatante revanche des parias des bannis des honnis les cadavres advenus oublient leur carnation leur seul futur est le pourrissement dans sa lenteur si trouble et parfumée que nous nous détournons d’eux que trop plus que cela ne veulent croire en ce commun destin se pensent élus dont on ne sait quelle chimère en sont les monstres très humains mais nous-mêmes ne sommes tant souillures mais nous-mêmes pour nous purifier devons nous défaire du mal il est lieu de se dire,

Et on tuera tous les affreux

 

ça fera du ménage, un putain de ménage du large salutaire plus de moches plus de pourris de salopards faudra s’y habituer pas facile au début sans doute faudra se défaire du soupçon retrouver la naïveté originelle mais c’est pas pour demain c’est un sacré chantier et puis quand ce sera fait qu’on les aura tués tous ces affreux on le sera bien un peu aussi affreux ah les belles âmes qui nous insufflent ce onzième commandement tuer tous les affreux,

Elles se rendent pas compte

 




Ce jeu d’écriture enchaîne les titres de romans de Vernon Sullivan (hétéronyme de Boris Vian).




Olivier Bastide est photographe et poète. Pour lui, l'œuvre d'art conjugue une éthique et une esthétique. En décembre 2022, paraîtra, chez Tarmac éditions, son nouveau recueil de poésie : Ponctuation forcenée de l'ordre des choses. C'est sa première apparition dans Lichen.

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