Marion Lafage


Sous le roc

Merle sur brûlis en pente
Seul son bec orange
Encore allumé
Dans l’odeur de cramé
Le ruisseau à gentils bouillons ombragés ouvre la voix aux chatouillis d’oreilles
La mésange à l’affût de tout éveil de branche
Les oiseaux en vocalises encouragent l’éclosion des bourgeons
Ça vrombit dans les myosotis
Quelque part entre bleu et vert un coq s’égosille
Échos sonores des corbeaux le long de la falaise anfractueuse
Le clocher sonne 11 heures 30. Aboiements d’un chien attaché dans le lointain
Sous la crème neigeuse des sommets aveuglants, les champs ratissés en attente de semailles.
Parallélépipède de vide glaiseux, le canal creuse une frontière métaphysique.
Hennissement d’un cheval caché derrière la haie.
Impatience bourdonneuse et fébrile dans le rosé des fleurs d’amandier.
Quand le printemps d’ébroue, c’est un cheval blanc qui te regarde
Oreilles distraites par les castagnettes des pies
La terre s’assèche, reçoit les corbeaux grégaires qui s’envolent croassant.
Froissement de soie de leurs ailes mates et moirées
Me poussent dans le dos la promesse de chaleur et sa lumière
Le fumier épandu sur les champs attiédis
Flèches ascendantes des avions traversant le ciel en traînées évanescentes
Un papillon décalcomanie s’attarde sur trois fleurs de pissenlit successives. Ses ailes palpitantes au son du coucou
Le saule pleureur un peu moins alangui ragaillardit son jaune en pluie.
Dans le jardin d’avril, les éveillées du soleil : jonquilles, genêts, pissenlits.
Fantômes filandreux d’estampe aérienne, les nuages d’altitude s’estompent en croches artistiques.
Pierrot discret du printemps visible, le tronc du bouleau comme un résidu oublié de l’hiver. Si fine pellicule de fadeur délicate, s’effritant sous le doigt. Fragilité passée sous silence.
La chaîne rouillée par l’hiver, à l’abandon sur le portillon.
Retour au jardin du vieil homme pour sa cure auditive de chants d’oiseaux.
Au faîte du cerisier, un nid règne sur les bourgeons encore resserrés.








Née en 1972, Marion Lafage a suivi des études de philosophie et vit dans les Hautes-Alpes où elle a découvert la poésie contemporaine grâce aux éditions Gros Textes. Elle passe le DU d’animateur d’ateliers d’écriture à la faculté d’Aix-Marseille en 2017. Ses premiers poèmes sont publiés dans les revues Comme en Poésie Décharge, Cairns, ou en recueil : « l’Aude et ses poètes » (2017), troisième série collective des « 36 choses à faire avant de mourir » (Pré # Carré éditeur, 2017), ainsi qu'au recueil collectif : le Prix Lélia 2017. Dernier ouvrage : Nous, animateurs d'ateliers d'écriture, un manifeste polyphonique, recueil collectif de réflexions professionnelles d'animateurs d'ateliers d'écriture (éditions Gros Textes). Présente dans le n° 23 de Lichen.

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