Voyageons... Zoom sur Emil Sude

 

 

 Photo - Dragos Toader


 

 

Nous avons parfois honte de notre dignité


que parfois les veilleurs

de Méga Image.

les veilleurs de la même ethnie

pensent que la dignité

serait un torchon pour la vaisselle.

et comme ils lâchent leurs yeux. quelques chiots

pour nous suivre des haillons. nous allons

dans une allée

ils sont déjà devant nous. nous sommes les moins bien habillés.

le costume de gens intelligents en train de sécher. pour ne

surtout pas sous

l’âme que nous cachions quelques canettes de bière

ou peut-être une baguette de pain. ils pensent que nous 

sommes des collectionneurs d’orge liquide

et de restes de

porc ou volaille dans des sacs en nylon

dont on recouvre les meubles à l’extérieur

quand il pleut

et comme ils se penchent

vers cette cavité thoracique rouge les caissiers. ils

exigent de voir nos vestes déboutonnées nous enlèvent tout

des poches placées sur la poitrine avec un sentiment de 

culpabilité bien que

notre sang soit d’un rouge pur.

nous ferions mieux de demander

au pain d’être moins cher

de demander aux canettes de bière d’être moins chères

de demander au saucisson d’être moins cher

mega image a des veilleurs avec la même couleur

de sang. veilleurs pour le veilleur

seuls les T-shirts jaunes nous séparent du même esclavage

quand on nous mettait des cornes

et des muselières pour ne pas manger les raisins de la vigne

nous nous demandons parfois si la dignité de l’appartenance 

ethnique

se termine chez mega image ou les veilleurs roms

qui se font passer pour des veilleurs gadjé.



Mon énergie se consume


entre une récréation et une autre récréation.

dès que j’entends sonner je me laisse

porter par le vacarme je me cogne contre les murs.

une langue électrique de cloche

qui annonce les pauses entre les échos.

savoir ce qu’il ne faut point savoir.

je m’étire dans un sens et dans l’autre

à l’intérieur de la cloche au moins

un arc de cercle.

mais toujours un trait sur les murs.

de la vie peinte du mur. je m’amenuise

personne pour me saluer avec bonne nuit

tous me disent bonjour. dans le hall

du troisième étage pleins de vie

probablement les élèves. ils ont vu un peu de lumière

brillant toujours. et moi aussi.

je collecte les lucioles dans un sachet contre les rhumatismes

pour de la peinture phosphorescente.

autrefois une ampoule brillante comme le soleil se balançant.

les sieurs parents regardent à travers moi

une fois j’ai salué un mur d’entre les murs.




Emil-Iulian Sude est né le 6 septembre 1974, à Bucarest où il travaille de nuit, en tant qu’agent de sécurité. L'un des premiers poètes roms primés de Roumanie, il y a publié cinq recueils de poèmes et a remporté plus de vingt prix et distinctions, dont le Diplôme d'excellence 2018 pour sa contribution au développement et à la promotion de la culture et de l'identité roms. Paznic de noapte [Veilleur de nuit] (Casa Cărţilor, 2023) a reçu le prix Ion Zubașcu au Festival international de poésie de Sighet (Roumanie) 2023 et sera publié en anglais, dans la traduction de Diana Manole, chez Laertes Press (États-Unis) en 2025. C’est sa première apparition dans Lichen.


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