Vieillir
Mémé
regarde le carreau comme une œuvre d’art
Elle
est assise sur un tabouret
Pile
à la hauteur du hublot
Ses
mains ne sont pas enfouies dans ses poches de cotonnade à petits
carreaux
Elles
ajustent le bas de sa blouse sur ses genoux
Ses
chaussons de feutre peluchés tapotent le carrelage
Mémé
danse à l’intérieur de ses os clairs et elle chante
Un
refrain de Joe Dassin
Et
sa bouche semble mâchouiller un petit pain au chocolat
Elle
scrute le rond mobile dans son musée du jeudi
Aujourd’hui,
c’est jeudi
Et
le jeudi, Mémé va au musée
Le
jeudi, c’est son jour préféré
Dans
sa cuisine, elle observe la toile
Polychromie
rescapée de sa mémoire friable
Mémé
cherche la Joconde au fond de sa machine à laver
Et
dans le tambour, le linge de Léonard est une lessive
Mémé
ne sait plus si elle a mis de l’assouplissant dans le tiroir de
gauche
Elle
a dû naître dans un encrier. Sylvie
Franceus
ne voit pas d’autres explications à la plume qui ne se détache
jamais du bout des doigts de sa main droite. Elle est droitière et
l’encrier, en porcelaine blanche. L’encre et son regard ont la
même couleur. Les mots sont ses chandails et ses bols de soupe, ses
bulles de savon et ses gouttes de sueur. Elle écrit des textes
microscopiques, des nouvelles et des fééries poétiques. Présente
dans les n° 39, 40, 41, 42 et 43 de Lichen.
Ton apparent descriptif détaché (sans ou avec jeu de mots, option possible cf machine à laver he he) rend d'autant plus saisissante-impactante-émouvante la scène. Et je suis sûr que Léonard devint si (si si) amoureux qu'il se fiche pas mal que la toile de sa Mémé Joconde manque d'assouplissant, non mais ! **********
RépondreSupprimerQuelle fête ! j'aurais tant aimé avoir une mémé comme elle !
RépondreSupprimerVous avez su traduire, transposer ce détachement du à la vieillesse en une chanson sautillante et pétillante ; bravo !
Un poème qui évoque la tendresse, la douceur et le confort. Il est superbe.
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