Stéphanie Crousaud


Soustraction

Il trouvait toujours dans la voix des autres un accent de fausseté qui l’encombrait. Leur visage trahissait souvent une mémoire cachée. La couleur de leurs yeux s’en trouvait délavée, hésitant dans un pâle contraste, absurde.
Il consentait à son trouble plus par nécessité que par choix. La couleur des yeux l’emplissait d’une présence confuse à laquelle il n’opposait aucune résistance. Son corps bouleversé se pétrissait dans le kaléidoscope oculaire.
Enfant déjà, il lui semblait vivre dans un monde de mots auquel il répondait par le silence. Un mystère pour un autre mystère. Il avait rencontré l’énigme du monde quand d’autres croyaient lui échapper. Ce qu’il cherchait était la vérité de tous dans la voix de chacun.
Ses heures étaient consacrées à cela, écouter les voix et soustraire les regards.

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L’Apocalypse des étoiles transforme la plaie du monde
En une rougeoyante farandole
Où les danseurs embaumés tournoient à l’infini.
Étrenne vagabonde à la gloire du pèlerin. 






À côté… difficilement, douloureusement, joyeusement, Stéphanie Crousaud essaie de vivre à côté. À côté de quoi ? Du monde tel qu’il va et de ceux qui veulent parler. Psychologue clinicienne, psychanalyste dans le Sud-Ouest pour lequel elle a quitté Paris voici trois ans, il lui semble que ses courts récits tentent de rendre compte de son écoute clinique, de ce que chacune de ces rencontres peut faire naître de rêveries. À côté, c’est à la fois se dérober et être avec, sans se confondre. C’est raconter un rapport au monde habité par l’étrange, le doute, la surprise. C’est raconter la solitude de chacun en y cherchant l’universel. Présente dans le n° 50 de Lichen

1 commentaire:

  1. J'aime beaucoup, notamment cette notion de "mémoire cachée" comme un voile sur le corps traître de l'autre.

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