silencieusement
s’allonger dans la barque à fond plat de l’endormissement
s’allonger de tout son dos collé aux oscillations d’encre des eaux nuiteuses
plus d’amarre enfin
flotter sans descendre
sans remonter juste se déplacer sans direction
dériver en grand-corps-coque
concavité à percevoir le monde vert nuit de l’eau lente
juste
les chocs élastiques quasi muets
contre les rebords terreux du canal creusé à angles droits dans la glaise
surdité humide des berges éteintes
des berges comme des paupières mi-closes
des berges au sommeil recroquevillé et encore sans rêve
juste
la petite chanson glissée des herbes résistantes en touffes grasses et grossières de mains drues
juste
des frôlements de bêtes
qui glissent en eaux sales
ondes ovoïdes du sillage de la coque
frayant parmi les lentilles aquatiques aux milliers d’yeux de serpents
circulation errante sur leur grande peau ridée de reptile inoffensif
rencontres furtives et joueuses
avec les monstres du cœur de la nuit
avec les créatures aux morsures enfouies de mauvais rêves d’enfants
au-dessus
grincement des branches aux feuilles se floutant dans les replis du ciel aux reflets de charbon et de tourmaline
en haut
tout en haut
les astres indifférents qui se contentent de briller silencieusement sans savoir pour qui
Sandrine Cerruti est enseignante, sophrologue et maman d'un garçon de 8 ans. Outre une formation en Lettres modernes, Sciences du langage et Philosophie, elle a vécu une vie à beaucoup lire. C'est son nutriment. Elle entretient « avec les mots une relation métabolique » et a définitivement décidé que la poésie serait sa vraie maison. Elle a le projet d'une thèse pour sortir la poétesse Céline Arnauld de l'ombre. C'est sa première apparition dans Lichen.
Merci pour ce poème savoureux d'une consistance originale qui m'a transmis de belles sensations.
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup.
Bon "stylo-caméra"!
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