Nocturne II
Nuit – depuis longtemps il faut rentrer. Je marche sur le vide urbain, j’en respire le calme épais. Mais à mesure que j’avance au cœur du vent troublé, je découvre la fragilité de cet air dont le goût fuit ma langue : ce n’est qu’un répit au creux de la tempête des jours ; le reste d’un tout absent, attendant d’y mourir.
Alors il faut rentrer. Disparaître du dehors à son tour, le laisser aller seul. Le suspendre avec son manteau le temps de dormir.
Demain sera bruyant et plein des autres.
Nocturne III
Je suis l’autre du calme et les murs me le disent.
Péril insidieux qui s’approche au lointain de la nuit
Et c’est moi dont les pas éclatent en tous sens
Les bris du silence
Qu’ils écrasent.
Mirage entraperçu l’impossible
Au bout des doigts senti presque atteint
– Une biche farouche – elle a passé le coin.
Tu es le bruit qui lui fait peur
Qui lui interdit d’exister avec toi.
Tu ne l’auras jamais, jamais la paix entière
Où tu es sa présence est présence sans corps,
Une fumée d’ailleurs, une absence encore chaude
Un parfum que l’on sait sans le trouver jamais
À peine tu le sens, il est déjà parti
Et laisse tomber ta narine
Dans les vides odeurs qui sont tiennes
Odeurs oubliées mais qui puent
Derrière le parfum que tu n’as pas connu.
Né en 1992 à Bruxelles, Romain Richard a suivi, depuis l’enfance, une formation en dessin et en musique (violon, quatuor à cordes). Après une maîtrise de philosophie à l’Université Libre de Bruxelles en 2016, il est, depuis 2018, professeur de français et de philosophie au Congo (aux écoles belges de Kinshasa, puis de Lubumbashi). Présent dans les n° 66, 67 et 68 de Lichen.
Superbe! "Où tu es sa présence est présence sans corps" : toute la question de l'autre en un seul vers.
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