Philippe Labaune


Yeux de Patricia

Ailleurs hors du champ hors du corps le corps de Patricia chante les yeux n’y sont pas.

Corps sans regard un corps dont le regard est intérieur les yeux de Patricia regardent à l’intérieur à l’intérieur d’un corps qu’elle ne reconnaît pas ses yeux la cherchent en un corps qu’elle ne peut pas voir qu’elle voit sans se reconnaître un corps sans regard.

Patricia est poète elle touche de ses mains aveugles la frontière vibrante et impalpable pourtant entre l’infini dehors et l’infime dedans entre le bruit de son corps dans le monde et le silence de son regard posé sur son — cœur.

Le corps de Patricia traverse le monde le monde bruisse de cette traversée Patricia ne reconnaît pas ce bruit ce qu’elle entend elle ne veut pas le voir Patricia écoute avec ses yeux tournés vers l’intérieur le murmure du cœur et les traces de douleur.

Le corps de Patricia les fesses de Patricia les seins de Patricia le sexe de Patricia les jambes de Patricia la bouche de Patricia ne disent pas son égarement seuls ses yeux absents.

Tous les yeux du monde regardent le corps érotique de Patricia tous les yeux sauf les siens ses yeux regardent à l’intérieur étonnés de n’y pas trouver un corps qui lui ressemble.

Comment désirer un corps sans regard les yeux absents de Patricia disent cela Patricia est philosophe son corps sans yeux nous regarde et pose ses questions le cul de Patricia est — philosophique il se pose sur nos ventres
sidère notre regard fixe notre pensée Regarde-moi dit-il et questionne ton désir.

Les yeux de Patricia sont désirables où est son regard là est la faille Patricia est belle de son regard absent Patricia est belle de son étonnement à être belle Patricia est belle de sa peine en équilibre sur le bord de son corps mes yeux cherchent son regard je vais sortir du champ.








Philippe Labaune vit et travaille à Lyon. Metteur en scène, il a fréquenté nombre de poètes : Rilke, Pessoa, Collobert, Zürn, Gleize, Prigent, Dubost, mais aussi les textes de la jeune génération de dramaturges : Roche, Mougel, Gallet. Il défend un « théâtre de poésie » qui ferait la part belle à la perception sensible et inconsciente, à la musique de la langue. L’écriture émerge aujourd’hui comme une rivière souterraine qui atteindrait le jour après tant d’années de travail invisible. C'est sa première apparition dans Lichen.

1 commentaire:

  1. Elles ont des yeux au bout des seins. Bienvenu dans ces pages.

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