Blessure
dans le mercurochrome de tes yeux
il y a un orfèvre qui bricole un coffret
il est muet il sue à forte haleine
son labeur est tapissé de papillons jalonné de baleines
dans son écrin il y a toute une pharmaceutique de l’amour
des clystères des poudres des poisons
dans le mercurochrome de tes yeux
il y a des chalumeaux enfouis dans des doigts de laine
il y a les araignées qui enlacent les lunaisons
il y a les livres que vous aviez lus ensemble
il y a les empreintes d’un moment parfait sous un tremble
dans le mercurochrome de tes yeux
il y a des fresques faites de sang et de craie pilée
une tribu de guerriers nomades et casqués
il y a les galères où nous ramions sous l’empire
les janissaires qui te renversaient sur leurs tambours noirs
les falaises démesurément hautes d’où on saute par désespoir
il y a les cailloux qui saignent quand on les regarde
il y a la chemise qu’on déchire
et le drapeau blanc qui termine les nuits d’amour
dans le mercurochrome de tes yeux
il y a les vieilles odeurs
dans le mercurochrome de tes yeux
il y a un œil qui ne se souvient plus de sa couleur
Phil Powrie est professeur des universités en études cinématographiques, au Royaume-Uni. De double nationalité anglaise et française, il écrit des poèmes dans les deux langues depuis son adolescence. Ses poèmes en anglais ont paru dans les revues South et Ink, Sweat and Tears. C'est sa première apparition dans Lichen.
Si vous ne nous disiez pas que vous êtes dans le cinéma, on le devinerait. C'est Reflet dans un Œil d'Or transpercé par Apocalypse Now. On aimerait avoir le son et les images. Et puis quelqu'un qui sait que même les cailloux peuvent saigner est forcément (férocement) poète.
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