Juste
à proximité de la grotte du Gouffre...
Le
sentier est assez risqué. Sous un rocher s’ouvre la grotte. Et
vers la droite, au fond, le premier débouché du gouffre. Dans les
temps de peste porcine, on venait y jeter les animaux suspects – la
plupart pas encore atteints. Leur survie dans les profondeurs... On
les entendait de partout.
Avant
qu’on ait taillé la route – là-haut, dessus, plus aérée,
davantage au sec et rocaille –, le chemin muletier passait là. Dès
qu’on était un peu chargé, on ne pouvait que prendre là. Ils ont
attendu, bien postés. Un jour de mauvais temps. Tranquilles. Pas de
neige mais un souffle froid. Et le médecin franc-maçon, ils l’ont
attaqué à l’épaule – pour qu’il sache qu’on le frappait.
Et
ils l’ont achevé, bien sûr – on connaît le travail bien fait.
Et ils l’ont jeté sur les ronces. À peine en contrebas, sans le
cacher vraiment. Par vantardise et pour l’exemple. Ils l’ont jeté
mais pas bien loin.
« Viens
chercher ta viande par là ! – Cette viande, tu la
connais ! Tu pourras boire à ses blessures ! »
Effets
du dégoût ? De la crainte ? On soutient que l’appel est
venu de la grotte.
La
torpeur vous prenait quand vous passiez par là – même les gens
peu soucieux du fin mot de l’histoire, même les gens détachés
d’un quelconque incident étaient soudain saisis. Ils le disaient,
plus tard... tentant de s’expliquer. Par les ronces et par les
fougères, quel que soit votre état d’esprit, une langueur tombait
qui fleurait la poussière.
Sur
la route, plus haut, désormais, rien de tel. On ne l’éprouve pas.
On avance pour soi, pas pour le sang versé, ni les fracas d’épaule.
Paul
Dalmas-Alfonsi a
publié plusieurs ouvrages (en nom propre ou collectifs) relatifs à
la Corse (contes, proverbes et dictons, savoirs populaires,
roman...), et participe à de nombreuses revues dont
Ìsule,
A
Lèttera,
U
Tàravu,
Avàli,
Artyzanal,
La
Passe,
L’Intranquille,
FPM
et prochainement Xéno
et Verso.
Présent dans les n° 41, 42 et 43 de Lichen.
Exactement ce que j'ai envie de lire.
RépondreSupprimerC'est un peu par hasard et avec bien du retard (nous sommes début juin...) que je découvre votre commentaire. Mais j'en suis d'autant plus touché, si ce texte a "tenu la route"...
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