Nadine Travacca

 

Le protocole

 

Après avoir traversé le hall de l’hôpital et repéré l’étage du service, patienté dix bonnes minutes à attendre un ascenseur pour finir par emprunter les escaliers et grimper quatre étages, arpenté une enfilade de couloirs aux effluves médicamenteuses en t’interdisant de lorgner les portes de chambres entr’ouvertes, contourné des chariots souri aux infirmières soutenu le regard des valides cramponnés à leur potence mais fuyant celui des familles en visite, tu déboules dans la salle d’attente, avises un siège disponible pour t’assoir en espérant qu’on t’appelle sans tarder. 

Quelqu’un a repéré ton manège et t’interpelle

Monsieur, s’il vous plait, veuillez faire la queue comme tout le monde, vous devez d’abord passer par le secrétariat

Une femme s’active derrière un bureau, sous un écriteau, tu le vois maintenant, Secrétariat du Professeur… Prière de se présenter muni de…

Tu bredouilles une excuse, te relèves pour prendre ton tour dans la file, comptes 8 personnes avant toi. 

Tu retrouves au fond d’une poche la carte qu’on dit Vitale, rassembles radios et ordonnances. Tu attends. 

Il faut tenir. Avec cette envie de foutre le camp qui te taraude la tête, avec cette morsure au ventre. 

Combien de temps ? Tu ne sais pas, ici, ce qui t’amène.

Quand tu les déploies les mots se perdent dans des chausse-trapes. Tenir, pour quoi faire ? Tenir à l’œil ou à distance, tenir le choc, tenir sa place ?

Tenir. Rester dans le rang.

 

 





Nadine Travacca vit en Savoie. Elle publie régulièrement ses textes en revues, collabore à des anthologies, et quand elle n’écrit pas aime donner à entendre au théâtre ou ailleurs les textes des autres. Présente dans les n° 31, 32, 33, 35, 36, 37, 39, 40, 42, 43, HSC, 50, 51, 52, 53, 61, 62 et 63 de Lichen.

2 commentaires:

  1. Tenir la rampe pour ne pas donner le spectacle d'une chute dans ce foutu escalier qui ne sait que descendre. Sous les feux vous la tenez au théâtre, belle revanche sur les professeurs, les secrétariats,les cartes vitales, les prières de... Et toute cette escroquerie de la "Bonne santé".

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