I. le glas des égarés
le voici qui s'en vient et passe, ses paroles tournées vers l'errance, ses yeux vers l'innombrable des visages et le miroir des autres yeux
et il va, sur ses terres d'incertitude, son unique patrie, celle qu'il réanime à chacun de ses pas, n'ayant d'autres racines que celles qu'a brûlées de gel, jadis, le soleil d'une éclipse, et pas d'autre clocher que celui qui sonne parfois le glas des égarés
il n'a d'autre désir que celui des errants, entre appel et écho, celui des festins d'amitié et des noces du pain et de l'eau, d'autre lanterne sous le ciel que la nuit qui s'incline et le jour qui s'approche, et quand le matin lui ferme ses portes, que le chemin, contre sa voix, dresse ses barrières de ronces et le ciel, sur sa tête, sa toiture de pluie, il se couche, la nuque offerte à une pierre, à même la peau de la terre, les bras croisés sur sa poitrine, les mains serrées sur son sommeil
au milieu de son front, dans son trou d'éclair pâle, s'est posée la lueur d'une étoile lointaine qui mêle sa lumière aux crimes qu'elle éclaire, lui traverse le crâne comme un chant têtu d'espérance où se lisent, au revers de ses mots, toute la défaite du monde et toute la douleur des chagrins à venir
Michel Diaz a publié plus d’une vingtaine d’ouvrages (textes dramatiques, poétiques, nouvelles) chez différents éditeurs (P.-J. Oswald, J.-M. Place, Jacques Hesse, L’Amourier, L’Harmattan, Christian Pirot, N & B, L’Ours blanc, Cénomane, Musimot…). Outre des livres d’art en compagnonnage avec des artistes, peintres ou photographes, il a travaillé également sur de nombreux livres d’artistes à tirage limité. Collaborant à des revues (Chemins de traverse, L’Iresuthe, CRV, Poésie/Première, Écrit(s) du Nord, La Voix du basilic, Encres vives…), il est directeur de la collection « Nouvelles » pour les éditions de L’Ours blanc. Présent dans les n° 5, 6, 7, 8, 12, 13, 14, 15, 17, 18, 20, 23 et 27 de Lichen. Ce texte est extrait de la série (inédite) Le lointain est ma patrie.
Un très beau texte... "l'innombrable des visages" m'a fait songer à Rilke : "Comment avais-je pu par exemple ne pas m'apercevoir du nombre de visages qui existent ?" (Les Carnets de Malte Laurids Brigge). J'aime la calme assurance avec laquelle le texte se développe, prend de l'ampleur... Et qu'à la fin, s'entende "comme un chant têtu d'espérance". Merci à vous
RépondreSupprimerMerci pour votre réaction et cette référence à Rilke. Avant d'être spatiale, la condition de l'errance est d'abord intérieure,celle de tout humain jeté sur la terre, à ses risques et périls. M. D.
SupprimerCe devrait être douloureux, et ça l'est, mais quelque chose élève, grandit. le style, car il est là, mais pas seulement. Et j'y vois un écho à la poésie de Colette Daviles Estines, un même talent pour dire l'exil, le déracinement.
RépondreSupprimerMerci pour votre sensible commentaire. Ce qui élève,c'est de toujours vouloir se situer à hauteur d'homme. M.D.
SupprimerC'est magnifique ! J'aime aussi " la condition de l'errance est d'abord intérieure"
RépondreSupprimerMais quel beau compliment en ricochet tu me fais, Joëlle !!