Marc Durain


L’instant présent

 

J’en suis si incapable, que je doute de la sincérité de ceux qui disent qu’ils vivent l’instant présent. Peut-être s’y efforcent-ils, et encore.

 

Les préparatifs de Noël n’ont jamais tant de charme pour moi que dans la pente qui va de juin aux environs du 13 décembre, date à laquelle toute ma nostalgie s’envole vers les premières chaleurs. Dans un concert, le plus chéri soit-il, dès qu’un morceau a commencé j’attends le prochain, songeant encore à l’hôtel que je rejoindrai par la suite, et au restaurant où je m’arrêterai probablement en chemin.

 

Si j’atteins de temps en temps la plénitude, c’est par emprunt, à la vue d’un cousin bon vivant régalé d’une bière et d’un sandwich jambon-beurre ; ou par une sorte de distanciation intérieure et de verbalisation mentale, comme sur cette plage du Brésil, un jour, où l’on m’a servi du poisson frit. (Boire et manger figurent en effet presque toujours dans mes projections de bonheur.) Mais dans ce cas précis encore, rien ne valait la pensée du voyage du retour.

 

Il y a bien des couleurs, bien des parfums distribués par les différents versants des jours et des semaines ; mais ce temps dans son ensemble forme une mer qui m’entoure, où au fond je n’avance pas et ne pénètre rien, et c’est ma vie qui passe ainsi comme derrière une vitre.

 

Je continue pourtant de me réjouir de travailler peu d’heures par jour, et de pouvoir vite rentrer chez moi où je ne fais rien d’important.

 

 

 



Né en 1984,Marc Durain vit à Lyon, où il est enseignant en lettres. Pratiquant depuis longtemps l'écriture poétique, il a vu certains de ses poèmes paraître, ces dernières années, dans des revues comme Arpa, Phoenix ou Place de la Sorbonne. C'est sa première apparition dans Lichen. 

2 commentaires:

  1. J'aime beaucoup ce texte, on s’attache aux efforts de ce personnage nostalgique et décalé qui écarte d’un revers le diktat du Carpe diem !

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    1. Un grand merci pour votre lecture et votre message! Cette idée d'une prise à revers du carpe diem me plaît beaucoup.
      Marc Durain

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