Guérison
Dis-moi que c’est elle.
Dis-moi que tu suffoques au moindre souffle expiré de sa bouche.
Dis-moi qu’une seule de ses larmes suffit à faire jaillir dans ta gorge la soif inextinguible de toutes les mers du monde.
Dis-moi que l’odeur de ses cheveux te fait pâlir de tendresse.
Dis-moi que ton squelette se désarticule chaque fois que craquent ses phalanges.
Dis-moi que tu t’éveilles avec les plis de sa peau imprimés sur ton ventre.
Dis-moi que son rire tinte en la mineur aux parois de tes chansons.
Dis-moi que son épaule nue appelle la morsure comme un enfant sa mère.
Dis-moi que ton être est cousu tout entier à l’étoffe de sa voix.
Parle-moi de ses mots.
Parle-moi de ses mains.
Parle-moi de son dos.
Dis s’il ressemble au mien…
Enfonce bien chaque phrase aux jointures de mes nerfs, comme un acupuncteur ses aiguilles. Au besoin, cloue-les au marteau.
Ensuite, va-t’en.
Je resterai là sans bouger, hérissée de tes mots.
Je ne sentirai pas la douleur.
J’attendrai patiemment.
Peu à peu, et comme à l’insu de ma chair même, autour de chacun d’eux, la plaie se refermera. Mon sang bleui par des siècles d’attente reviendra couler pas à pas sous mes ongles livides, comme un vieillard tremblant retrouve, avec un frisson douloureux, la couleur de l’herbe sous ses pieds. Puis ils tomberont, tous tes mots, un par un. Ils tomberont sans un cri, sans un poème. À peine entendra-t-on l’air se froisser dans leur chute. Sur la terre autour de moi, ils feront un tapis de mousse morte. Je ne les verrai pas.
Il n’en restera qu’une ombre glacée sous la surface de ma peau.
Et je m’endormirai.
Alors,
Peut-être,
Quand tout se sera tu,
Je cesserai de parler de toi.
Maëlle Nagot est étudiante en littérature anglaise, mais passionnée de langues en général, ou plus exactement de mots. Jusqu'à l'adolescence, elle voulait devenir écrivain mais n'avait jamais écrit que de la fiction en prose ; ses premiers poèmes ont vu le jour l'été dernier. C'est sa première apparition dans Lichen.
Très belle façon de transmuter la douleur. J'entends Michel Jonasz: "Dites moi qu'elle est partie pour un autre que moi mais pas à cause de moi", en plus physique en plus déchirant en plus adorant. En amoureuse, tout simplement.
RépondreSupprimerChercher en la douleur les propriétés de la saignée... Très beau, percutant, réussi !
RépondreSupprimerIl y a une force et un ton qui sonne juste dans votre poésie comme un cri du cœur, c'est très beau.
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