Loan Diaz

 

Entre le marteau et l’écume

 

Un pied dans le puits du soleil – l’autre dans la fournaise du déluge, je me bats avec le chaud et le froid dans une guerre qui se prolonge jusqu’au durcissement de l’encre. Je suis à la suture du temps. J’écoute et me coule au récit du large, aux cris de la mouette qui rebondit sur la plage, au souffle chaud des cigales et sur le flanc souple et docile du sable où se penchent les pins – le torse vêtu de leur ombre – je suis sans savoir où je m’arrête, 

un flot dans le flou – un flou dans flot 

fou du ciel qui mouille mes paupières 

de son azur millénaires…

 

*

L’équilibre du gabier

 

Sous la ligne de flottaison, l’étreinte bouillonnante de l’estuaire à l’immobile cambrure de rouille appelle le gabier ivre mer à virer dans la marmelade viscérale des grands-fonds…Je suis ce gabier qui s’est fondu à l’irrégulière, à l’épaisse, à la contorsionnée, à l’odorante et grisâtre enveloppe des vases mouvantes – jusqu’à y perdre mes contours et la lumière du jour. Là, je me suis incorporé aux crabes, aux algues, aux écailles qui font des courants de couleurs éthérées et à toutes les sinuosités diaphanes des fonds marins – j’extrapole mes os des eaux et j’affale la voile de mon squelette en écume de mer sous la toile bleue des cieux gonflés d’alizés – mon sang pulse dans la fournaise artérielle et vient coïncider avec l’horizon de feu en bordure d’irréel – ivre de l’échappée belle – d’incertitudes je vire, volte et tangue entre les déferlantes de mots – bousculé par le cahot de la langue… 

À ras bord – j’échoue sur le débord du sillage laissé par les empreintes des hirondelles sur la plage. Je m’y déverse en averse de mirages.

 






Rêveur mélancolique autoproclamé « Assembleur de Nuées à la petite semaine » (à la petite semaine, parce que la poésie comme le crime ne paie pas), Loan Diaz est convaincu que la poésie est la voi-e-x de la concordance des cœurs et écrit comme on « jette des bouteilles à la mer » pour créer les liens qui libèrent et rassembler les hémisphères. C'est sa première apparition dans Lichen.

1 commentaire:

  1. Quand deux poèmes ont un corps comme ici rassemblé, je crois que la bouteille à la mer n'est pas un mirage. Les gabiers peuvent surgir des lecteurs, sur cette plage prendre ensemble du repos.

    RépondreSupprimer