Les hommages aux auteurs de Lichen

 

Par Jean-Claude Hérissant



HOMMAGE À GAËLLE FONLUPT 


Gaëlle Fonlupt excelle

dans l'art de brosser

sans aucun clair de lune

la réalité immobile

d'une rencontre nocturne :

celle de la chemise du père 

- collée encore au moi-peau

sous la mue incandescente -

avec le fer à repasser l'enfance, la mainmise de la mère 

- silencieuse et absente? -

sur les plis et replis intimes

du corps en partance


ici, point de surréalité 

frémissante 

mais le cri du renard 

qui glapit dans la nuit

évanescente

le seul témoin de toute l'histoire

muet comme la pierre

qui la " sauvera de grandir"...

 


HOMMAGE A CÉCILE CAUSSE 


Cécile Causse lâche 

au coeur des stèles 

et des pierres tombales

la belle liberté insane


elle entre en trance

dans une folle course-danse

perce le silence

des croques-vies assoupis


ils lui offrent 

sur quelque stèle esseulée 

dans une coupelle ailée

la joie de vivre à ras de terre 


l'ivre herbe folle des fumerolles 

à fleur de ciel


elle suit sa trace

sans jamais se lasser 

arrive toujours et encore 

à la même place


sans hésiter 

elle attend apaisée

sur le tertre de l'absence

elle est la gardienne 

de nos vies d'errance

programmée


la patiente chienne

de Cécile Causse

 


HOMMAGE À MAHÉ BOISSEL


La belle couronne 

de cheveux blancs 

n'est plus le garant 

contre la sénile imbécillité 


contre l'impunité 

de comportements déviants


Hey, mon pote Léo 

n'interpelle plus 

la petite, hey petite!

même si tu conchies

le code penal et tutti quanti !


la belle couronne 

de cheveux blancs

ne fait plus rempart

contre la répétitivité

ad absurdum

de gestes appris et récités

ad nauseam


Même si le métro-boulot-dodo

s'est mué au fil usé 

des ans rabougris 

comme le poétise

avec tant de brio, Mahé 

en

"une vie, une femme, une télé,

ski, jardin, moto"


Même si à son corps défendant

il n' en a plus 

pour très longtemps dans 

ces pavillons de la mort lente pour retraités obsolescents

 


HOMMAGE À PIERRE BEULIN 


Pierre Beulin

boit la nuit

trace d'abord

avec ses ongles blancs 

les bords

du grand chapeau 

racle blanc sur noir

suit les lignes du visage

ses doigts s'enhardissent

corps coulant, corps ondulant

ils noient la nuit 

ça crisse, ça tangue

la soie glisse 

dans le noir de suie confuse 

l'esquif carbure 

au vif argent 

ça roule en aveugle 

beaux rivage, bon présage 

douleur exquise 

au ras de l'eau noire

on ne se souvient de rien

et pourtant !

encorbellement!

Merci en corps

Pierre Beulin !

 


HOMMAGE A MARTIN ZEUGMA


Martin Zeugma 

nous offre un dernier vers

anti-âge 

le reste n'est que brouille-âge 

contre le broyage des ans

le brouillamini

du ratiociné-remaché

 

Martin le fuit:

Il garde son alexandrin

pour lui:

- Vent, déchire soudain mes cris

comme un chien hurleur!

Un seul bon vers de poésie

par jour!

L'ambroisie!

 

 Aquarelle de Jean-Claude Hérissant


 

 

Jean-Claude Hérissant tente depuis plus de trente ans de dépenser autant d'énergie créatrice pour ses élèves que pour la réalisation de ses aquarelles et ses chant-poèmes, appelons les plus simplement des textes poétiques ! Il est professeur d'allemand, poète, aquarelliste, mais aussi pyrénéiste passionné. Il fait de nombreuses allées et venues entre l'Île-de-France (Presles) et les Pyrénées.et puise son inspiration dans l'eau de la source sise près de sa grange pyrénéenne.( Et pour faire ses aquarelles, il n'utilise que l'eau de cette source!) ? Présent dans les numéros 94 , 95, 96, 97, 98, 99, 10, 102 de Lichen.



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