Le bocal de conserves

(nouvelle dénomination de la rubrique « Protection des espèces en voie de disparition »)

Et des pralines aussi, par Sylvie Franceus
Il attendait de ses nouvelles mais en vain alors il prit son téléphone et enfin il se décida à lui parler. Il redoutait sa réponse mais ne se découragea point. Il aurait eu bien tort de se priver de cette conversation qui lui réserva une surprise. En voici un extrait :
     Lili ?
     Oui ?
     C’est Gustave.
     Ah, Gustave !
     Je te dérange ?
     Non, non, tu ne me déranges pas. Bonjour Gustave.
     Oh pardon, Lili, j’en oublie de te saluer. Bonjour Lili.
     … (Silence de circonstance)
     Lili ?
     Oui, Gustave.
     … (Raclement de gorge significatif d’une trouille mal contrôlée)
     Je t’écoute, Gustave.
     On pourrait se revoir, Lili…
     Ouh la la !
     … (Le ciel vient de tomber sur la pauvre tête de Gustave)
     J’ai un gros dossier à rendre endéans les trois jours !
     … (Gustave n’ose pas dire qu’il n’a pas compris un mot étrange dans la phrase de Lili)
     J’ai mille réponses à rédiger avant jeudi, sais-tu.
     Lili…
     Oui, Gustave ?
     Peux-tu me redire cette histoire de gros dossier, s’il te plaît ?
     Ben, oui, je te disais que je dois rendre ce travail endéans les trois jours.
     Lili…
     Oui, Gustave.
     Ça veut dire quoi endéans ?
     Hein ?
     Endéans, ça veut dire quoi ?
     Ben, ça veut dire que je suis grave à la bourre et que je ne vais pas poser les pieds par terre d’ici jeudi.
     Ah…
     Tu n’utilises jamais ce mot, Gustave ?
     Ben… non…
     Ah, c’est bizarre ce truc, chez nous, à Bruxelles, on le dit tout le temps !
     Remarque, c’est joli, endéans.
     Oui, c’est un joli mot qui existe depuis le moyen-âge, je crois.
     Dis, Lili, si on se voyait endéans les quatre jours ? Vendredi, 20 heures, en bas de chez toi, ça te va ?
     Ça me va, Gustave. On ira manger des frites ?
     On ira manger des frites !
     Et des pralines ?
     Et des pralines !

Alexis Jallez, amateur d'étymologie, propose non pas un mot en voie de disparition mais le rappel d'un sens aujourd'hui oublié du mot « auteur », qui lui tient pourtant à cœur : ce terme qui, à travers les siècles, a bien sûr renvoyé, en son sens le plus plein, à celui qui fonde et établit, et donc à l'instigateur, a également parfois désigné le conseiller. À son avis, il y a en effet ici un cas de synonymie patent. 

Béatrice Pailler nous écrit : « En mai j'étais dans le sud marnais à Villevenard, j'y ai relevé le mot « repoussis » utilisé dans le sens d'un regain dru et têtu. D'où vient ce mot que je vois bien sous la plume de Giono ou Genevoix ? Mystère car en moyen français repoussis est à prendre dans le sens de repousser un ennemi. Mais la mauvaise herbe (que j'aime tant) n'est-elle pas l'ennemie du paysan... ?

2 commentaires:

  1. Le repoussis, Béatrice, me rappelle le "repichon", prononcer r'pichon, de ma grand-mère, désignant l'enfant né bien après les autres. Un regain d'amour donc.
    Juste pour rire Alexis:Les conseils de l'auteur (conseiller) à l'auteur lui donne de la hauteur.

    Sylvie reste épicurienne pour illustrer son endéans,(le s se prononce-t'il?), ça me va.

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  2. Merci Éric, j'écris comme je respire, en souffles tranquilles, obligatoires, chaque mot est un geste de mes pensées, de mes poumons et chaque seconde est une virgule, un son, un coquelicot, une flaque.
    Le S, non, on ne l'entend pas.

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