ON
On ne dit pas toujours tous les mots qui vous manquent, on essaie l'élégance et le respect des autres. Ils seraient inutiles, on ne les croirait pas. On attend qu'ils vous viennent. On accroche une carte sur la porte du froid et on la lit souvent, on cherche les odeurs et le son de la voix. On inhale un parfum dans le creux d'un foulard, on garde des chaussures, on dépose un baiser au rebord des photos, on fait le tour des murs, on remet droit un mobile pour qu'il sonne un peu mieux. Et l'on s'en va marcher pour ne plus rien en dire, et ne plus rien s'en dire. La mer est innocente, elle sait l'essentiel. À elle on peut parler. Et l'on sourit un peu. On écrit un poème.
*
J'ai un clou, je te le donne, je n'ai plus de marteau. Je ne saurai en rien taper ma tête sur les murs puis hurler à la ronde oh combien ça fait mal.
J'ai une chambre, je te la donne, je n'y ai plus de murs. Je n'irai pas quand même jusqu'à m'en inventer pour démontrer ailleurs à quel point je suis libre.
J'ai une tête, je te la donne, je n'ai plus de pensées. Je préfère le cœur et ses mille poèmes, je vais me le garder, il ne vaut pas un clou. Et je te l'écrirai.
Jean Diharsce, 65 ans — qui a fait le choix de vivre en Bretagne où la mer, les rocs et les mots sont rudes et doux — écrit tous les jours et publie sur FB. Il a regroupé certains de ses poèmes dans un recueil Île en ailesparu aux éditions Jacques Flament (http://www.jacquesflamenteditions.com/355-ile-en-ailes/?fbclid=IwAR0om637-aaWxKQzxXx5yeItAdgvdEOdRGdMO2WKb2q_L5BFkDJf1KZjb-4). Présent dans les n° 45 et 46 de Lichen.
Belle promenade entre le on et le je. Merci pour ces instants de vérité.
RépondreSupprimerFabriquer son cocon amer d'errance. À travers l'ancrage du froid dans le coeur encore ouvert. Renforçant cet attachement maudit, d'une image arrachée mais encore visible. Se racontant nos propres consolances pour s'endormir le soir. Se mentir à travers nos songes, pour mieux détourner nos pensées pour ne plus y penser.
RépondreSupprimerÔ douleur de mon monde, hâtes donc ton départ, rend-moi cette liberté promise. Cette liberté d'un ancrage malmené.
On ne dit pas toujours les mots qui vous manquent, on essaie l'élégance d'un poème. Et c'est réussi encore une fois.
RépondreSupprimerCette chambre sans murs est celle de la poésie, notre vraie liberté
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