Une chance à la beauté
Les hommes ont un vif besoin de beauté. La beauté est ce qui les réconcilie même pour un court instant avec la vie et leur propre existence.
« La beauté sauvera le monde », dit un personnage de Dostoïevski. L’Idiotest le plus triste de ses romans et le personnage en question un phtisique à l’agonie : le pauvre Hippolyte, qui meurt à dix-huit ans.
Nous ne sommes pas des « victimes du devoir », nous n’en avons qu’un seul : laisser une chance à la beauté.
Je n’ai ni goût, ni talent pour la dialectique. La beauté ne se prouve pas et nous sommes parvenus à cette heure étrange, où règne la haine de la beauté. Paysages ravagés pour des raisons industrielles. Enlaidissement progressif de tout horizon. Destructions d’œuvres d’art millénaires…
Les fossoyeurs de la beauté la préfèrent artificielle… Entièrement créée par et pour l’homme. Ce n’est pas leur problème si le monde disparaît : ils ne l’ont jamais aimé.
Propos de table – « Non, non, je n’aime pas ce poète. Je l’imagine trop volontiers au volant d’un bulldozer,à crier des vers, un bâton de dynamite à la main… »
Levé tôt, j’ai repensé à toi, à tes yeux, ton visage… Toi aussi, tu semblais « disposée à l’adieu, après chaque étreinte » : « willig dem Abschied, nach jeder Umarmung»*. Mais il ne tenait peut-être qu’à nous de laisser encore une chance à la beauté…
* Les mots allemands cités sont de la poétesse Ingeborg Bachmann (traduction française Françoise Rétif), in Toute personne qui tombe a des ailes, Poésie/Gallimard, 2015.
Né à Nancy en 1973, Frédéric Perrot a vécu à Metz, à Marseille, et s’est installé à présent à Strasbourg. À ce jour, il a publié une quinzaine de textes dans la revue Traction-Brabant et un recueil auto-édité (Les heures captives, 2012). Présent dans les n° 7, 10, 12, 14, 15, 17, 18, 19, 20, 22, 28, 31, 32, 33 et 34 de Lichen.
Le problème avec elle c'est que tout le monde ne la voit pas de la même manière.
RépondreSupprimerElle est Dieu et se cache en nous. Libre au poète mystique de la découvrir.
"... la beauté est un monde trahi", écrivait Milan Kundera dans L'insoutenable légèreté de l'être. Les personnages et l'auteur demeurent inconsolables de voir leur monde disparaître dans l'indifférence générale. Tel est à peu près le sens de mon texte... Merci à vous pour votre commentaire.
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