Fabrice Marzuolo


L’enfer d’entre les arbres

Je reviens de l’enfer, je peux vous donner l’adresse, 33 rue du Fard aux yeux,Troudange, un bled du fin fond du Grand Est. J’en reviens mais je n’en sors jamais car une fois qu’on a mis les pieds dans un enfer, l’enfer ne vous quitte plus, vous  cerne en ondes rondes et concentriques comme si vous n’étiez partout plus qu’une pierre qui tombe à l’eau.
Au retour, je regarde les arbres dans la plaine autour du chemin de fer, ils ont revêtu une parure d’hiver tissée d’un givre qui scintille, elle les couvre du tronc à la pointe des branches, ils semblent si fiers dans cet habit éclatant et comme si ils craignaient d’y provoquer le moindre faux pli, ils se montrent aux voyageurs des trains à grande vitesse, le souffle retenu, dans une parfaite immobilité, figés dans l’auréole de lumière. Mais subitement le décor change, coupé au couteau, net :  ici, c’est une timide clarté de printemps tombée de nulle part, à l’improviste ; un printemps hors des saisons, un qu’aucun hiver n’aurait précédé… un printemps qui aurait pu sonner le début de la fin ; ce printemps désespère les arbres qui baissent bas leurs branches, ils auraient eu tant besoin d’un froid qui dure pour se débarrasser des parasites qui les rongent depuis trop d’années aux cycles défaits ; une fois de plus leurs feuilles vireront d’un vert sombre à ce vert clair des laitues sous cellophane, celles rincées au chlore. Ici, les arbres pleurent leur beau vert vif et flamboyant d’antan.



Poète et auteur de nouvelles, Fabrice Marzuolo a animé la revue L’Autobus : http://autobus.centerblog.net/. Présent dans les n° 1, 3, 4, 30 et 34 deLichen

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