Fabrice Farre

 

1

Du pont en acier, entre les cordages, la ville cache sa moitié. Le blanc capture le segment suivant. Puis, à contre-jour, les bouches d'ArcelorMittal crachent des nuages synthétiques. Le silence botte en touche, là hurle midi, chaque mercredi du mois. Pont de singe.

 

2

Pressé, tu fends la foule, parmi la fourmilière de pas : les tiens perdus. Les boutons de ta veste se détachent, ce sont les yeux des mille inconnus et ta tête mouvante se confond (un inconnu a-t-il pris ton visage). Ta main salue, nomade, ton père pauvre chagrin, au bout du trottoir opposé.

 

3

Chaque chose à sa place et chaque place a sa chose. Un seul trépigne, malgré lui, dans les voies de la raison hospitalière. Chambre chaude où reprend la vie, n° 212, froide n° 111 bleu gris, multipliant les petits riens. Pairs et impairs. Tant de fenêtres courent vers l'issue où un homme s'éclaire sur fond vert. Derrière la porte de secours s'ouvre l'aire de Broca.

 

                            4

Vendredi, la sardine moribonde livre bataille dans l'assiette plus grosse que le ventre. Le plafond descend, les mètres carrés s'arrondissent. Dans l'espace imparti, le poisson affame la fin guerrière. Restent trente jours à contenter, autant à espérer plus qu'un joyeux centime. Le soir, la chambre est une boîte. Pour y dormir, il n'entre que la faim.

 

 





Auteur de nombreux recueils, Fabrice Farre en a publié trois, ces dernières années : Avant d'apparaître (Unicité), Implore (Bruno Guattari) et Sauf (Éd. du Cygne). Ses textes sont présents dans plus de cent revues, en France et à l'étranger (dont Revue Alsacienne de LittératureAlkemieOsirisMargellesFPM, Mot à MauxLa Piscineet on le retouve dans des anthologies comme : Terre à ciel,CatastrophesSoc & foc,  Écrit(s) du Nord... Ces poèmes sont extraits du recueil inédit Des équilibresSon blog : http://biendesmotsencore.blogspot.fr/). Présent dans les n° 4, 16, 17, 33, 34, 66 et 67 de Lichen.

4 commentaires:

  1. "Vendredi, la sardine moribonde livre bataille dans l'assiette plus grosse que le ventre." Fantastique ! Merci Fabrice !

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    1. Bonjour, cher Olivier. Merci beaucoup pour ce message que je découvre à l'instant ! Ces poèmes sont extraits de DES EQUILIBRES, publié (en silence) en juillet de cette année. Amitié. Fabrice.

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