Colette Daviles-Estinès

 

La dernière fête


Nous avons pris la route rapiécée

aux calligraphies de goudron

salués au passage par quelques morts


Ce n’était pas triste

c’était une fête comme tant d’autres

Chacun avait apporté son soleil

et j’ai pelleté dans mes décombres

chaque visage resurgi


ceux que je n’ai pas connus

ceux que je n’ai pas reconnus

ceux qui n’ont vraiment pas changé

l’inattendu qui ne me reconnaissait pas

(il a fallu lui dire que j’étais moi)


les absents tout excusés

celle comme d’habitude

toujours si belle habillée

cette autre qui avait tout assorti à ses yeux

ceux qui pour venir, ont laissé

leurs légumes, leurs fromages, leurs abeilles

leur alpage, leur tronçonneuse, leur Tour Eiffel

ceux qui m’ont promis de venir tout à l’heure

et mes trois lumineux droit debout chavirés


Et puis comme ils sont grands

et beaux, tous ces enfants

que je n’avais pas vus devenir


Je te le promets

J’essaierai de rester vivante

encore longtemps pour toi

mon orphelin




Née au Vietnam, grandie en Afrique, Colette Daviles-Estinès a été longtemps paysanne. Elle puise son inspiration dans un sentiment de perpétuel exil. Nombre de ses textes ont été publiés à La BarbacaneLe Capital des MotsLa Cause littéraireUn certain regardRevue 17 secondesCe qui restePaysages écritsLe Journal des poètesÉcrit(s) du NordNouveaux délitsComme en poésieVersoLa Toile de l'un... Ses recueils : L'Or saisons (éditions Tipaza, mai 2018), Matrie (éditions Henry, septembre 2018), Feux de friche (Tipaza, avril 2022) et La mesure des murs (L'Ail des ours, juillet 2022). Voir son site : http://voletsouvers.ovh. Présente dans tous les n° de Lichen depuis l’origine, à l'exception des n° 77 et 78. 





1 commentaire:

  1. Clément G. Second10 novembre 2023 à 17:53

    Si généreux à vous de nous associer par le lien poétique à ces retrouvailles de présences chères.

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