Cette nouvelle rubrique, ouverte par Éric Cuissard dans le numéro de décembre 2018, a suscité une autre tentative de sauvetage lexical, celle d'Annabelle Gral. Merci à elle !
Le mois du Sarrau
Il y a, logé au fond d'un tiroir de ma mémoire, une photo noir et blanc où ma grand mère figure aux côtés de ses camarades dans une cour d'école à demi délabrée. Ce sont les années de l'après grande guerre, dans un village de la vallée du Rhône. Le soin apporté aux aires de jeu des enfants de cette époque était minime, aussi ont-ils l'air de poser devant un amas de décombres, dans les coloris sombres de ce cliché fané.
Les enfants, une vingtaine à peine, ont entre six et quatorze ou quinze ans. Les cheveux ras pour les garçons, immanquablement tressés pour les filles, leur donnent des physionomies similaires et, malgré la mauvaise qualité photographique, les regards sont tous denses, sérieux, durs parfois.
Tous portent l'inévitable sarrau* noir, longue chemise pour les garçons, sorte de tablier à plis retenus par une ceinture nouée dans le dos pour les filles. Et ce sarrau est le garant de leur unité, de leur non différence, l'uniforme d'égalité sociale accordée à ces enfants de conditions différentes.
Deux générations plus tard, j'ai aussi porté ce vêtement confortable, protecteur des habits dont il fallait faire durer l'usage, mais on avait changé son nom pour « blouse d'écolier ». Ce n'est qu'après soixante-huit qu'il a été remisé, jeté au panier, dans le vent de liberté qui avait soufflé sur les conditions d'éducation des jeunes. Aujourd'hui, l'écolier, le collégien, le lycéen portent sans le savoir un autre uniforme largement imposé par les modes véhiculées dans les médias. Uniforme désormais indissociable d'un accessoire de communication rivé à l'oreille : le téléphone portable.
* Ce vêtement reste associé à l'image du personnage créé par Colette et Willy, Claudine : son col éponyme, ses chaussettes et son sarrau.
Annabelle Gral
Ah!Le sarrau! Il fallait en mettre un autre pour le repas de midi, chez la grand-mère.Pas salir. Pour gagner du temps je le mettais par dessus. Et, souvent je repartais à l'école avec les deux. La honte.
RépondreSupprimerJe l'ai connu mais comme vêtement soixante-huitard, brodé à l'indienne, porté sur un jean brodé aussi. C'était pas lourd du tout... Joliment écrit, ce souvenir.
RépondreSupprimerMerci Eric, merci Joëlle de vous souvenir aussi...
RépondreSupprimerC'est un joli mot sarrau. Je ne crois pas l'avoir connu. En Afrique, j'avais un uniforme en pagne.
RépondreSupprimerUn sarrau en pagne aurait été très exotique en effet !!
RépondreSupprimerJ'ai aussi porté "la blouse d'écolier" dans les années 60 au "lycée de jeunes filles" ! une semaine la bleue, une semaine la beige... et il ne fallait pas se tromper de couleur sinon c'était punition assurée !
RépondreSupprimerOui, quel casse tête les blouses une couleur-une semaine ! Merci d'être passée.
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