Catherine Andrieu

 

À la mémoire d’Yves Stcherbatchenko


 

1. Ô mon Yves, ma mémoire est labile

Mais mes doigts se rappellent avoir été sous les tiens

Les touches noires et les blanches qu’on effleurait ensemble

J’avais neuf ans et je m’asseyais sur mes cheveux 

Toi le jazzman et ton verre de whisky-clopes, tu dérivais doucement 

Du côté de Port-Vendres le piano est sous l’eau les alcools 

Tu te noies soixante-deux ans c’est pas vieux pour mourir

Tu disais si on te demande ne dis pas que c’est moi 

Toi qui fus mon maître durant sept années d’ivresse

Tu m’as appris beaucoup plus que le piano

Le rire, l’affection

Laisse-moi te bercer dans ton cercueil à queue.

 

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2. Ce matin-là je m’étais coupé les cheveux

Juste avant de voir ton masque mortuaire

Grimaçant gueule ouverte yeux ouverts

Ton souffle comme seule preuve de ta présence

Les stupéfiants a dit le vétérinaire en te caressant

S’il savait que tu l’aurais abattu d’un seul coup de patte

Toi l’âme de la forêt sauvage

Et te voilà tu n’es pas mort mais mes cheveux

Sont devenus blancs en une seule nuit

Tu as le secret de mes nuits étoilées

La rue illuminée le soir, le manège que tu regardes

Couché sur le balcon les bateaux

Je me mets au piano et nous glissons

Sur l’eau.

 






Née à Metz en 1978, Catherine Andrieu grandit au bord de la Méditerranée. Enseignant brièvement la philosophie, elle s’installe finalement à Paris en 2004 pour préparer l’agrégation mais abandonne toute pratique professionnelle suite à un grand bouleversement intérieur. Consacré à Spinoza, son premier livre paraît en 2009 chez l’Harmattan. Désormais tournée vers la poésie, la peinture, la jeune femme expose dans plusieurs galeries dans la capitale comme en province et publie de nombreux recueils. Catherine Andrieu vit depuis peu à Royan, où elle poursuit une œuvre singulière, tout en s’adonnant au piano. C'est sa première apparition dans Lichen.

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