Bérénice Shaya

 

Le temps des cerises

 

Que sais-tu de ma douleur muette et lente

Qui s'est tant de fois bercée au rythme des branches

Des balançoires cerises que sur l'arbre aux lèvres l'on porte 

Que sais-tu de la main brutalement lâchée

Au bord du précipice un matin de printemps

À l'heure où dans les boisdoit fleurir le muguet

Que sais-tu de l'enfance chétive aux pieds nus

Des chemins de poussière du froid et de la neige

De l'étable désormais vide des lits désertés 

Que sais-tu de l'âpreté des livres absents 

Cinglantes morsures absorbant l'eau de la bouche

Dans la désespérance du geste non pensé 

Une vie de paroles adressées n'est pas assez

Pour tenter de nommer l'inépuisable de l'être 

Du fonds des nuits humaines plus noires que la mine

Tu m'avais devinée bien avant que moi-même

 

 




Bérénice Shaya vit en Haute-Savoie et travaille aux Hôpitaux Universitaires de Genève. Après des études supérieures de droit à Lyon puis de philosophie à Aix-en-Provence, et une psychanalyse menée pendant 20 ans, elle a repris des études pour devenir infirmière. La lecture la maintient vivante depuis toujours, et l'écriture est venue secrètement, dans la chambre, sans volonté d'être lue mais comme une évidence. C'est sa première apparition dans Lichen.

4 commentaires:

  1. Belle parole, belle pensée. On aime. Gabriel

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  2. Merci d'être sensible à mes écrits cher inconnu...

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  3. Belle invocation adressée à l'Autre de la parole. Dans le puits de la désespérance un Appel, un Tu peut parfois répondre. Et c'est, momentanément, la hauteur inespérée du poème, le temps des cerises.

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  4. Un temps des cerises révolutionnaire, celui du temps de la révolution intérieure et de la libération de la parole.

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