Chapeau de paille
Je possède, ô mortels, rêve si
doux / si fort. Je recèle en moi-même une image profonde. Rêve de pierre.
Tétanisant. Galvanisant. Pierre de lune, rôdeuse dans les étoiles. Lune aux
tics / Lune aux tocs. Lune de pacotille, je suis. Lune de pierre / Pesante et
lunatique / Oppressante / Je vois / Je pulvérise. Je brille dehors / Dedans
j’obscure. Je flambe au jour / La nuit je… Je ne trouve pas. Je nuis / grave.
Grave tes nuits. Imprécations
tenaces de ce rêve de pierre. Grave joyeusement, mon enfant, ma sœur, mon doux,
mon bien-aimé. Noire en veuve, terriblement.
Car je vois. Oui, je vois ce
monde chien. Ce vaste étrange monde. Je vois et je me démange tête. Laideur / ô
Mortels / Hurlante laideur d’un monde dérangeant. Je vois. Je montre rien. Je
vois :
Voleur / violeur / pourceau /
sot / et le Beau tout autant.
Je vois / Yeux ouverts / Je
ferme fenêtres de l’âme. Je m’appartiens.
Plutôt que regarder infâme
horreur et débile beauté. Je passe. Je passe ce chemin. Détourne regard. Ô
mortels je vous vois et ferme mon œil.
Bénédicte Bonnet est encore très amatrice en poésie mais
très attirée par cette forme courte et condensée, brute et ramassée. Elle aime
le baroque, ce qui bouleverse et ce qui tourmente. Elle est cette pierre très
irrégulière qui ne demande pas à être taillée mais qui picote sans cesse. Ce
texte est extrait du recueil Vanités
(inédit). Présente dans les n° 28 et 29 de Lichen.
Violence et douceur accolées. Beau résultat.
RépondreSupprimerSi tu es bien la Bénedicte que j'ai connue, et je crois bien que tu l'es - toutes ces années n'ont rien ôté à ta profondeur sombre qui ruisselait déjà. Des images fortes et une vibration qui effraient et attirent, un flux de vie et de noirceur. J'aime beaucoup ce texte et ne suis pas tout à fait d'accord avec la présentation en bas de page... "très amatrice en poésie"... Isa
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