Béatrice Pailler

 

Aux Fenêtres (extraits)

 

 

Descente en reflets, fenêtre en abîme ; la lumière va vers son visage d’ombre. Travestie du temps, le verre l’épelle, dispersant son souffle. Au jusant du soir, l’ailleurs se lit au grain des étoiles.

 

Lune en crêpe, chant de l’heure, minuit sonne. L’insomnie creuse au sommeil, enterre en lit, son butin : de sots moutons de draps sués. Que l’ondée vienne, s’enfuit la veille. Au carolus des pluies quand tinte l’heure, l’attente s’endort.

 

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La pluie en ses maraudes vole au paysage son visage. Le regard résiste, longtemps, appelant à lui la force du jour, y puisant une parcelle de lumière. Le jour en nage perd consistance et la lumière qui s’y promène n’est plus qu’une eau de passage au sein des pluies. Une passante, fugace, silhouettée du paysage, tatouée d’un visage. La fenêtre à verse est un miroir qui l’attire, un regard qui la cherche. La fenêtre à verse est de verre et de temps. La lumière fuit, passant. Il n’y a plus ni fenêtre ni miroir ; seul un regard, passager de la pluie.

 

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Table en solitude, une tasse noire et l’ombre du temps. Le monde est loin, le siècle s’amenuise. L’oiseau s’éloigne du ciel, l’homme du beau. Le matin fait sa place et le marcheur, au risque du vivre, va vers le poème. 

 

Profond le ciel, premier et dernier des fleuves. Profond son appel, murmures et tempêtes. Indéchiffrable sous la levée des regards en lui l’ailleurs, en lui l’élan, l’infini vivant. Ciel-fleuve, premier et dernier baptême.

 

 

Rémoise, Béatrice Pailler a exercé à Reims pendant vingt ans le métier de libraire. Elle se consacre maintenant uniquement à l’écriture en alternant prose et poésie. En 2015, la Société des poètes français récompense du prix « Jean Giono » (prix du manuscrit de prose poétique) son recueil L’heure métisse. Elle a publié à ce jour cinq recueils (le dernier, Sacre, en mai 2019 aux éditions Racine & Icare) et participe aux revues Souffles, Traversées, Décharge, Levure Littéraire, Le Capital des Mots, Les Amis de L’Ardenne, À l’index et ArpaPrésente dans les n° 29, 31, 33, 34, 35, 37, 39, 40, 42, 44, 45, 53, 54, 55 et 56 de Lichen.

2 commentaires:

  1. Une insomnie qui produit "lune en crêpe, chant de l'heure.", moi je dis que c'est du pain béni!

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    1. Béatrice Pailler3 juillet 2021 à 07:00

      Bonjour Eric, et oui , Pain et Poésie deux images du partage. Bonne journée. B.

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