Amélie Guyot


L'odeur de midi 

 

Et l'odeur de lessive


que ça distillait dans le froid. Une odeur d'oubli


sur une matière déjà un soupçon


abimée.


Une odeur pour faire comme. Pas pour masquer


la vie
mais pour prolonger un quelque chose


qui préexisterait à l'usage des linges.


Comme une intention.


Comme des vêtements qu'on porterait pour imprimer l’extérieur. 

Y coller son ombre. Et sa sueur.


Comme des tâches qu'on déverserait sur soi exprès.


Seulement pour démontrer


polychromie sur blanc qu'on est vivant.


Tunnel de lavage où se mélangent des linges


comme des hommes


que rien n'aurait fait se rencontrer. Partage d'intimité


de la presse au séchoir.


Des calandres aux plieuses.


Dans l'odeur de lessive on voit les piles alignées.


Du propre en tours dociles.


Et la chamaille des corps à l'ouvrage entre des linges


flottant sans fatigue et leur destination.


Dans l'odeur de midi


on reconnaît des fantômes pendus


à des pinces métalliques.


On imagine le soin des mains appliquées


sur les tissus. La précision des machines.


La chaleur nécessaire au blanc et à l'effacement des


traces.


Tout ce qui permet de légitimer la réclame


frottée par la foule sur la vitrine.


Combiner toutes les couleurs du spectre solaire


donner à la matière l’aspect de la neige.


Promettre aux choses une mémoire à la façon


des paumes sur le plâtre


Chercher les preuves d'un passage. 

 

 


Formée aux Lettres et aux Beaux-Arts, Amélie Guyot pratique les écritures contemporaines (scénario, poésie-active, vidéo, installation, lecture publique, radio...) où elle questionne le rapport à l'invisible et les troubles du langage liés à l'incommunicabilité qui sépare les êtres. On peut découvrir un échantillon de son travail grâce aux liens suivants : http://luldefalterin.tumblr.com/ et https://soundcloud.com/lul-de-falterinPrésente dans le n° 54 de Lichen. 

1 commentaire: