Amélie Guyot

 

Le plus bel endroit du monde

 

La ville portait des maisons basses

trois étages maximum


la femme essayait de regarder le soleil en face 

sur ce petit pan de mur ocre


le plus bel endroit du monde


ça lui brûlait les yeux


Je me souviens


qu'elle s’intéressait au soleil


et aux ombres


et pendant qu'elle s'aveuglait


elle avouait ne jamais voir les oiseaux


manger


le pain et boire l’eau


qu'elle abandonnait sur un bord de fenêtre


La femme me parle longuement des êtres 

qu'elle ne voit plus


leur passage


est uniquement signifié


par l’absence des choses


Le ciel devient un territoire privé


le domaine même de l’imagination


Elle regarde par-dessus mon épaule


comme si elle y rassemblait une harmonie


de terre


d'eaux d'arbres et de lumière


un espace sans destination


où elle aime se promener


et porter son regard


La femme panse les plaies avec des herbes 

elle fait pousser la sarriette


dans les vestiges du souvenir


Elle donne au vide l’importance qu’il mérite 

et qui fait qu’il n’est plus le vide


mais un entier


Elle considère les pierres


là-bas le mur fissuré


la pluie... 

 

 



Formée aux Lettres et aux Beaux-Arts, Amélie Guyot pratique les écritures contemporaines (scénario, poésie-active, vidéo, installation, lecture publique, radio...) où elle questionne le rapport à l'invisible et les troubles du langage liés à l'incommunicabilité qui sépare les êtres. On peut découvrir un échantillon de son travail ici : http://luldefalterin.tumblr.com/et ici : https://soundcloud.com/lul-de-falterin. C'est sa première apparition dans Lichen.

2 commentaires:

  1. Bienvenue Amèlie. Votre façon me fait penser à Robert Valser, les textes regroupés sous le titre:Petits textes poétiques chez Gallimard nrf dans la collection: Du Monde Entier. Vous vous intéressez au langage et à ses difficultés. Valser a fini sa vie dans le silence, en maison de repos pendant 27 ans. Il est mort dans le silence d'une journée de neige, au cours d'une promenade.

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  2. Dans mon enthousiasme j'ai mangé un V à l'auteur des microgrammes. C'est un double V qu'il convient de lui attribuer. WALSER! Un double scotch à sa mémoire.

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