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Le souvenir amer de l’arrière-pays entre les dents
elle se tenait debout parmi les arbres dressés
au bord d’une orée inculte
silhouette noire qu’un peuplier cachait au jour
Figée sans voix dans l’épaisseur d’une prophétie de défaite
elle restait là sous l’averse prête à tout
pour une aile en duvet de feuilles
Alors elle chanta
D’abord ce fut à peine une vapeur dans un soupir
qu’enfin sa gorge radieuse si longtemps introuvée nommait les choses pour la première fois
Ô messagère déployant le seuil du prochain langage
si loin là-bas de l’ancienne terre abdiquée victime de trop longues fréquentations
Maintenant tu préconises un art migrateur
comme une poésie hauturière
dont jamais jamais tu ne diras la limite
Et ce champ devant toi
ce champ plus beau qu’un cantique
serait la preuve que le voyage est une dernière ébauche de disparition
Alors une fois le soir franchi
une fois rejoint le monde partagé
dans un secret élan elle déposa au pied de l’arbre
le cocon d’un nymphale
Sébastien Houÿ, né en 1980, propose un poème extrait d'une série intitulée L'Aube future car la poésie ça pourrait bien être une nuit qui promet le jour. Présent dans les n° 33 et 34 de Lichen.
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