Sandrine Cerruti


Crépusculaire



Ne pas guetter

non

inutilité de l'attente à la fixation verbale reléguer aux habiletés 

rhétoriques son insuffisance de sentinelle gâteuse

louons son obsolescence sa disparition tellement réjouissante

oui

chassée

ce soir c'est bien autre chose parce que oui enfin oui il y a


il y a


il y a mise en échec de l'attente aux mots la touchante erreur 

du débutant aux aguets

ridicule attendrissant de l'affût aux signifiants

lors

seulement

apparition du crépuscule juste comme tu renonceras à le 

nommer en plein là

nettement


ses mobilités bleues découpées au chambranle de plastique et 

de verre

la netteté de ses contours

là vivre la variation des intensités glissantes délivrées 

affranchies de toutes les limites du dire barrant le ciel en 

obliques

abolition des dires plus pauvres que le percevoir


car il y a là


c'est la présence innomée du ciel délivré du fixer à tout crin

le ciel défile au soir

suivre des yeux sa foulée 

crépusculaire

sa présence plus forte que la prolixité du nuancier

la bouche enfin      enfin claquée par la déroute des coups de 

bélier 

des mots laissés à leurs échantillonnages

impuissance devant le déroulé du ciel allant au soir

radicalité de son insaisi

l'intense réception des ondes vibratoires abandonne au nerf 

optique la jouissance d'un silence en panne sèche de vocable




Sandrine Cerruti est enseignante, sophrologue et maman d'un garçon de 8 ans. Outre une formation en Lettres modernes, Sciences du langage et Philosophie, elle a vécu une vie à beaucoup lire. C'est son nutriment. Elle entretient « avec les mots une relation métabolique » et a définitivement décidé que la poésie serait sa vraie maison. Elle a le projet d'une thèse pour sortir la poétesse Céline Arnauld de l'ombre. Présente dans les n° 58, 79, 80 et 87 de Lichen.


 

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