Dernière session au club
Lors de la dernière session,
la scène s'efface derrière les fumées bleutées,
mais la musique me parvient.
C'est comme si je traversais une rue de Harlem
un jour où la brume partage la rue
en îles, quand les immeubles bruns
semblent s'en détacher,
et espèrent se libérer de la ville.
Puis la musique revient,
un projecteur se pose sur le trombone,
les reflets sur le cuivre errent un instant
et heurtent ceux de la trompette
devant l'ombre massive du piano.
Les mains épaisses de Bud le défient,
pourtant légères,
sous les étoiles du club
encore plongé dans la nappe
du brouillard diffus des cigarettes.
Les ventilateurs le repoussent
avec peine vers le battant des portes
ouvertes sur la cour.
On aperçoit maintenant le bassiste,
embrassant la grand-mère,
qui lui raconte la solitude des champs de coton,
et la souffrance du pays perdu.
Le blues s'en rappelle,
traverse le jazz de ses éclairs noirs,
rythmé par les baguettes d'Elvin,
pulsation lourde,
énergie du désespoir,
tension du matin des noirs
gravée pour toujours en lui.
René Chabrière, peintre et poète, vit en Lozère. Son site : https://ecritscris.wordpress.com. Présent dans les n° 28, 30, 76 de Lichen.
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