Peeping Tom
l’œil s’ouvre bleu et sifflote dans le soir le ronronnement de la bobine un cadre mobile le monde divisé en quatre quarts avance dans la rue collant couture sur des jambes blondes jupe rouge fuseau des fesses et la fourrure jusqu’au cou son regard sans joie son invitation la porte sombre l’escalier la chambre deux livres ce pourrait être deux livres c’est une routine ferme la porte dénoue la ceinture rouge et bleue sur le lit dénoue et roule son regard au centre de la mire le moment idéal des reflets mobiles et circulaires – de quelle lumière ? – la bouche comme un point d’interrogation recul et ouvre recul encore et ouvre encore les yeux la bouche la gorge le cri la plongée une expression de terreur tourne la bobine tourne la bobine les yeux au travers une fille a été assassinée hier soir les mains d’aveugle sur le visage du tueur il est là coupez look out le rouge sur son visage sans grâce le rouge qui fait mouiller ne pas lui montrer la peur – où est-il ? – cogner des poings contre l’écran blanc et pleurer ça ne sert à rien elle danse dans le danger tout près sans futur saisir des yeux les femmes nues et sans désir le corps comme un bec de lièvre déjà marqué par la souffrance et le visage à la fenêtre à regarder les traces négatives des mortes du passé toute une enfance tout un piège à capturer les images aucun répit le père est un lézard dans son lit une recherche de la peur tout cela pour lui le papa pour lui mes yeux impudiques dans les mains un moyen de voir le monde pas d’ombre le rouge est mis elle regarde le miroir au moment de mourir c’est un instant quelconque pourtant équidistant parmi d’autres c’est une série il s’agit de l’achever – qu’est-ce qui dérange? – la chute d’un corps saturé de couleurs un changement dans le tout une terreur dans les yeux aucun champ en dehors mourir tout entière dans le cadre comme enlever de l’espace à l’espace manger le mouvement mobile ouvrir la gorge traverser la bouche planter le corps au mur c’est une tapisserie à ramages c’est un insecte épinglé imaginez quelqu’un s’approche de vous et pénètre votre œil un changement absolu de dimension un gros plan une puissance qui s’élève et s’oppose aux ténèbres un visage devant sa mort
Philippe Labaune vit et travaille à Lyon. Metteur en scène, il a fréquenté nombre de poètes : Rilke, Pessoa, Collobert, Zürn, Gleize, Prigent, Dubost, mais aussi les textes de la jeune génération de dramaturges : Roche, Mougel, Gallet. Il défend un « théâtre de poésie » qui ferait la part belle à la perception sensible et inconsciente, à la musique de la langue. L’écriture émerge aujourd’hui comme une rivière souterraine qui atteindrait le jour après tant d’années de travail invisible. Ce texte appartient à un ensemble encore inédit, Panoptikon. Présent dans les n° 28, 29, 36 et 37 de Lichen.
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