Bleu nuit
Je me suis cette nuit soudainement souvenu des jointures éblouies au coin des rues
Des marches harmoniques qu'interprétaient pour nous
les cours d'eau aux faces pleines de bulles
Et de ces étrangetés sonores qui coloraient nos météorologies
J'ai revu en pensées les frémissements qui s'allongeaient
sur les rêveries des pavés quand nous marchions ensemble
Les éclairs de pluie sur les hauteurs lointaines
Les pierres effondrées et leurs reflets crémeux
qui se mêlaient aux reflets des fleurs bleues
Il se composait parmi la voilure alentour
Et qui s'en échappaient
des symphonies brodées d'un fil qu'on peut à peine distinguer
Et qui teintait leur couleur première d'une nuance insaisie
J'ai aimé les vapeurs de malt et les fumées
qui formaient autour de nos têtes des heaumes arrondis
Les fragrances molles et les constellations de fraises chaudes
Nos cœurs étaient si gros
Si gros qu'ils s'envolaient comme des navires
Qu'ils chantaient comme tombe la pluie sur les baleines
Des lumières se mouraient derrière les toits
Et nous leurs lancions des sourires en les saluant du doigt
Des espoirs sans objet
Des baisers du menton
Des amours sans lèvres
Nous jouions pour elles des notes sans instruments
Et des pensées sans paroles
Je me suis cette nuit soudainement souvenu
De ce que nos cœurs avaient de gros
Et de toutes ces baleines
De toutes ces baleines
De tout ce que nous n'avions pas
Et que nous avons perdu quand même
Paul Bocognani a été publié notamment dans les revues La Piscine, Poésie/première, Soleil Hirsute et Poétisthme. C'est sa première apparition dans Lichen.
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