Notes de lecture



Clément Bollenot : Demain incertain, éditions Gros Textes, collection La petite porte, 2018, 60 p. ; 8 € ; ISBN : 978-2-35082-384-3.

« Regarde 
 tous ces souvenirs
tant de lendemains
incertains » (18)

Clément Bollenot, jeune enseignant lyonnais, apparaît de temps à autre dans les pages de Lichen (on peut le lire dans les n° 13, 14, 15, 18, 19, 24, 25 et dans ce numéro-même), avec notamment des textes qu'on retrouve dans ce premier recueil qui vient d'être publié par Gros Textes.

Demain incertain est, d'une certaine façon, l'histoire d'un retour à Saint-Kilda, cette île perdue, à plus de 160 km au large de l'ouest du nord de l'Écosse. Habitée pendant plus de 2000 ans, malgré les difficultés (climat, isolement, dureté de la vie...) par une population qui avait su demeurer si longtemps autonome et sans chef, elle a récemment été abandonnée par ses habitants. C'est cette fuite, ce renoncement, que laissent advenir les poèmes de Clément. 

« rocher solitaire
égaré quelque part
si loin du monde
silencieux [...]  
quelques volatiles se pavanent sur les ruines
d'un village construit par les Hommes
[...] et toujours le vacarme de 
l'océan
toujours cette lutte acharnée avec l'île
abandonnée
déjà morte [...]» (6).

« et l'on entend
par-delà l'océan
le son d'un silence glacé
qui écorche les tympans » (21).

 « trois pas au milieu de nulle part
  cette ruelle
  déserte
par terre un jouet abandonné
  renversé
témoin d'une histoire dont nous ne connaîtrons pas la 
fin »(37).

« cette fois ils ont pris le large

pâle rosée du matin
déjà le bateau disparaît
solitaire
le froid fait vaciller
celui qui a voulu rester » (44).

« [...] il a laissé de côté ses chaussures
trace trop évidente de civilisation
inutile maintenant qu'il est le dernier
pourquoi s'orner d'artifice [...] » (51).

« chaque départ
est une mémoire qui
  s'évapore
un chapitre qui ne sera pas
  écrit » (55).



* Éditions Gros Textes : Fonfourane 05380 Châteauroux-des-Alpes https://sites.google.com/site/grostextes/



Christophe Schaeffer & Isabelle Crampe : Au revers de l'abîme, dialogue pictural et poétique, éditions L'Improbable, collection Les Cavaliers de l'orage, 2018, 52 p. ; ISBN : 2-84739-023-5. 

J'avais déjà proposé une note de lecture (dans le n° 15 de Lichen, en juin 2017) d'un recueil de Christophe Schaeffer (aImerà quatre tempséditions Librécrit). Ce poète, également philosophe, musicien, plasticien et concepteur lumière (pour le théâtre, la danse contemporaine et le cirque), a récemment (en septembre dernier) publié un nouveau recueil, en duo avec la peintre Isabelle Crampe.
D'emblée, on relèvera le remarquable travail éditorial : typographie, mise en page, qualité du papier, de l'impression... tout est parfait, tel qu'on aimerait que le fussent toutes les éditions de poésie. 
L'écriture du poète est brève, fulgurante, précise, tranchante, juste... Tout ce qu'on aime chez Lichen
Les peintures, qui peuvent parfois être riches en couleurs vives, sont le plus souvent dans des tons de gris, de noir, de dégradés pâles ou sombres, de fibrilles nerveuses qui m'évoquent des images de coupes de l'infiniment petit agrandies par un microscope infiniment conscient — « ponctuation / césures » (35), « coïncidence de la ligne aux cils / de l'univers » (37), « l'étoffe même de l'immergé » (31).

nous sommes 
le composé

de l'épaisseur 
du sens

nervures
simulacres errants

sur la rétine indécise des couleurs (41). 



* Éditions L'Improbable 9, rue de l'Harmonie, 65 000 Tarbes ; www.levaisseauimprobable.fr. Pour ce recueil, utiliser le lien direct : http://levaisseauimprobable.fr/node/38.

Élisée Bec, pour Lichen.


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