Note de lecture

de Nathalie Hanin


Pierre d’attente (élément d’un discord), Didier Gambert, éditions Sans escale, novembre 2022, 120 p. 13€

Didier Gambert est spécialiste de littérature du XVIIIe siècle et a publié quelques ouvrages dans ce domaine. Il a d’abord pratiqué l’écriture poétique de manière intermittente, puis de façon très régulière ces dernières années. Certains de ses textes ont illustré une exposition de photographies de Bérénice Delvert, intitulée (Méta)physique de l’Océan.

Discord, un terme, plusieurs acceptions, un poème lyrique en deux opus.
Un seul accord entre le vide et le plein ; vides cruels de l’absence et pleins de silences, conjugués à travers le vitrail des perceptions :

J’ai traversé d’étranges villages
qui portaient le deuil
avec
au coeur comme une cible
la blessure d’être
inapaisée
inapaisable

De forêts en vallées, le poète nous entraîne bien au-delà du relief de ses errances, au cœur même de nos géographies secrètes. Les images bleues de mers, de fleuves et de neige remplacent les blancs griffés de nos souvenirs et c’est une expérience de l’âme qui se dessine au fil de la lecture. Comme dans la contemplation, Didier Gambert nous invite à une exploration intérieure, un voyage au centre du corps. Pas le sien, le nôtre. Et l’on peut dire qu’on revient augmenté de ces paysages nouveaux, de ces montagnes écorchées de nuages dont on fait l’ascension en y découvrant, à chaque refuge, la belle poésie. Celle qui se lit entre les lignes, qui se glisse et se recrée entre les blancs et le souffle retenu des points de suspension. Méditations sur les espaces du temps et des lieux, le recueil nous guide vers des contrées étranges, réinventées par le regard et la plume. Il y a des mondes, des ailleurs dans ce ce recueil...
Et puis il y a Gand aussi, avec ses toits dont on n’avait jamais perçu la poésie de leurs degrés vers le ciel :

Eh bien, cette rue où je m’avançais pour lors, dans cette ville, intacte, où l’on a placé tant d’escaliers sur les pentes des toits, sans doute pour voir de plus haut sur  les terres basses, cette rue près du château des comtes de Flandre, la dernière fois que j’ai visité Gand, - je n’ai pas su la voir.

Le style, parfois proche du haïku suggère plus qu’il ne nomme, avec la délicatesse d’un subtil clair-obscur toujours inattendu. La forme poétique libre, son rythme et ses jeux surprenants ponctués d’ellipses, orchestrent la partition de cette sonate intime.
Intimité dévoilée du texte poétique qui, ici, loin d’être impudique, révèle dans son dessin, le tracé subtil de l’âme. Les images sont puissantes et se goûtent du dedans, les yeux fermés. En cela réside toute la beauté de la poésie de Didier Gambert : donner à voir avec le cœur.




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