Chronique de Didier Gambert
Nelly Froissart, Du sable à la mer, éditions Sans Escale,
juillet 2023, 78 p., 15€
Les éditions Sans Escale ont publié en juillet 2023 le premier et très bel ouvrage de poésie de Nelly Froissart, intitulé Du Sable à la mer. Élégant, d’un format agréable, « l’objet livre », affiche en couverture une peinture de Baptiste Carluy, artiste contemporain qui a fait récemment l’objet d’une exposition à Bagnolet. L’œuvre choisie, couleur sable et mer, avec poisson unique, entre en résonance avec le texte écrit.
Du sable à la mer est l’histoire d’un soldat. Nul ne saura à quelle guerre il participe, guerre passée, guerre présente. On pense qu’il s’agit, ou peut s’agir de la Guerre d’Algérie, qui, à travers les générations a laissé des traces dans la mémoire, consciente ou souterraine, des familles. Il n’est pas rare que les traumatismes légués par les événements du passé fassent résurgence, longtemps après qu’ils se sont produits.
C’est ainsi que l’on peut lire le recueil de Nelly Froissart. Dès le début nous sommes « débarqués » sur une terre hostile :
en plein jour et le soleil cogne
fort
sur l’étendue brute
et vaste
plus loin :
tu sais nous avons
vomi
en mer haute
nos idéaux de traverse
où le soleil indigo
chahutait
par vagues
les ailerons clairs
L’écriture de Nelly Froissart se caractérise par sa netteté, son absence de bouffissure, d’ego haïssable. Elle a semble-t-il passé un pacte avec la « poésie », qui en retour lui offre des images remarquables, de celles qu’on aimerait avoir trouvées :
j’ai laissé
sur la mer
ma dernière trace
Ou encore :
j’ai fait
chef
mon lit au carré
rasé de près
le pourtour rétif
de mes heures blanches
à crier
parmi les chacals
la traque crue
les ombres salées
La poésie de Nelly Froissart est une poésie sonore, avec des mots bruts, à mâcher ou à croquer, des mots qui disent l’irrévérence, la révolte humaine, salutaire. Le soldat que l’on engage dans cette guerre n’est pas dupe, il est plein d’arrière-pensées. Il est le témoin de faits qui le révulsent, qu’il ne nomme pas mais suggère, donne à sentir, comme le fait toute bonne poésie.
Par ailleurs, ce recueil est aussi à lire comme une correspondance, entre le soldat et une aimée que l’on devine restée en deçà de la mer :
ils ont mis des volcans
dans nos poches
aussi j’ai pris
tes lettres
sur mon sein
Cette présentation, volontairement brève, se veut comme une invitation à découvrir ce recueil de 78 pages. Gageons que toute personne qui s’engagera dans sa lecture sera comme saisie.
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