Mustapha Kherbouche


Est-ce au jour de se lever à notre passage...

 

Sur moi vos métros et vos cars que je retourne à poussière saupoudrer une mère ; elle verra les hommes d’acier et d’ondes mourir d’ennui dans un faste inouï, elle se verra saoule dansant sur de fameux boulevards sans étoiles, désirée, libre de se choisir un homme ou d’en refuser dix. Arrachera dans sa fièvre un sanglot millénaire à son homme de grès ; ils se verront médecins ou avocats, propres et hautains, secoueront-ils alors leur enfant (fécondité des rides creusées au gré des viols consanguins et des espoirs inavouables) de la poussière où ils l’ont enfoui croyant le fixer à sa terre ? 

 

Non ! pas un coin de vos impeccables immeubles pour calquer une mère féconde, ils sentent le cadavre et les îles semées d’esclaves — que je retourne à la poussière, broyé, brûlé, affublé de jute et de chiffons, tatoué de genêts et d’épines. J’exercerai mon pied nu sur toutes les terres arides, mon rire hideux désarmera, j’inspirerai la pitié et la crainte, je mangerai avec les miséreux dans les taudis et les tentes puis on me jettera la pierre (démon !). Mais me trouver une femme ! Comment aimer sans honte un corps quand on n’a d’amour pour sa mère que le chagrin, séquelle ravivée de la naissance et du goût marin des mamelles, sa mère qui rumine sans cesse les mêmes peines à imprégner de son sang anobli en ville les murs décrépis et l’aridité des friches.  

 

Je suis frappé de cécité, les rages fécondes m’ont quitté — me croisant, une âme peu sensible m’aurait dit qu’amour. Si on peut aimer à reculons alors oui je ne suis qu’amour — il me faut la soif pour germer, il me faut des rides, ces faufilements sans faille qu’un homme accompli aurait menés à terme sans calcul.

 

 

Né en 1994, Mustapha Kherbouche quitte sa Kabylie natale en 2016 et s'installe à Marseille pour poursuivre des études de biologie. Passionné de botanique et de littérature francophone, il a deux passions, deux langues, deux pays. Il cherche par l'écriture à retourner à son « état d'homme des cavernes » pour qui « la complétude du désir, l'amour préhistorique » est intacte ; dépassant ses contradictions pour se « rassembler » à la surface, son époque. Présent dans les n° 47 et 48 de Lichen. 

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