Marine Giangregorio

 

L’éphéméride

 

Embrasser chaque parcelle de temps, ralentir, ralentir toujours plus le pas même sous ce ciel gris qui tombe sa pluie et que mon visage accueille comme une tendre parole. Et si tout ces ciels qui se succèdent, qui se meuvent et changent imperceptiblement n'étaient pas le miroir de nos corps ? Et que dire de la brume dont certains pensent qu'on n'y voit rien ? Des effluves de brumes plein nos voix, nos mains, nos mémoires, des effluves de brumes plein nos pas, nos draps, nos désirs, plein nos amours, nos regards. J'ouvre la bouche, mes mots sont eux aussi enrobés de brume. C'est vrai, on n'y voit rien. C'est pourquoi je t'aime. D'ailleurs, pourquoi toi et non elle ? Pourtant, rien n'est plus éloquent que la brume qui me met à nu comme ce poème écrit la veille, la brume qui dévoile les peurs et brouille le cadran. L'éphémère, tiens, les poètes fêtent l'éphémère, n'y a-t-il pas plus éphémère que ce corps blanchâtre ? Je n'ai pas trouvé d'élément plus semblable à nos existences. C'est pourquoi je l'aime. Ralentir le pas, je disais donc, ralentir le pas. C'est grâce à la lenteur que les sensations affluent, qu'une pensée germe. Qui donc croirait que vivre vite, c'est marcher lentement ? Et que nos croyances s'effeuillent avec l'éphéméride ?

 






Marine Giangregorio pratique la photographie argentique et réalise des films documentaires. Sa première exposition Énigme du désir, réunissant photographies et poèmes s'est tenue en mai 2019 à la Galerie L'Œil du Huit (Paris 9e), Poétique des Brumes, la seconde, s'est déroulée à l'EHESSS (Paris 6e). Ses poèmes sont publiés dans les revues MéningePergolaLes Cosaques des frontières, Poétisthme et Traction-brabant. Blog : Les mains flâneuses. Présente dans les n° 41, 50, 52, 53, 54, 55, 60, 61, 62, 63, 70 et 71 de Lichen.

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