Mahé Boissel

 

La vie cesse angle de rue 





Longtemps  je me promenais  par la ville.

Souvent, je croisais un homme étrange au visage poupin,  rose comme un enfant,  congestionné à point.

Toujours chaudement vêtu — trop pour la saison — il errait  sans hâte dans les petites rues.

Impossible de lui donner un âge.

L’hiver, il arborait écharpe, gants et un énorme pardessus de laine raide hors d’âge aussi.

Un été,  en plein mois d’août, je le revis,  toujours congestionné, transpirant, au bord de l’apoplexie, arborant un pantalon de velours côtelé, une veste de tweed élimé, sanglé, cravaté, sur le point d’exploser… il arpentait sans autre but que le désir de prendre part à la vie provinciale la plus ordinaire.

Chaque fois, sa rencontre m’a broyé l’âme tant sa détresse était patente.

Un jour, il disparut.

 

 




Mahé Boissel vit et travaille à Paris et dans le sud de la France. Elle écrit, dessine et peint chaque jour. Son sujet est l’humain, sous toutes ses formes et coutures et dans tous ses états. Elle se passionne pour les affres et les angoisses, les joies et les tourments de cet être-là, tant dans son travail de styliste, de psy que d'artiste. Présente dans les n° HSC, 54, 56, 57, 75, 76, 77 et 78 de Lichen.

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