Hommage à Éric Jaumier
Photographie d'Éric Jaumier (auteur, date et lieu non précisés) empruntée au site de l'éditeur Jacques Brémond : https://editions-jacques-bremond.fr/auteur.php?id=214
« (...) le ciel est froid
quand il
se tient
sur ton dos
tête bêche
avec ta mort
Passé sous silence. »
(Éric Jaumier, extrait d'un poème sans titre,
reçu par mail le 3 mai 2018 et publié dans
le n° 30 de Lichen, octobre 2018)
« (...) nos songes
dorment à
même le monde,
celui qui voit
le soleil de trop
près
s'invente une mort. »
(Éric Jaumier, extrait de « La cueva de la pileta »,
poème reçu par mail le 29 mai 2019 et publié
dans le n° 46 de Lichen, mars 2020)
Éric Jaumier m'avait contacté en avril 2018, me proposant des poèmes pour la revue. Sensible à la puissance et la vérité de son écriture, j'ai publié des textes de lui dans quatorze numéros de la revue (les n° 29, 30, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46 et 47) et nous étions convenus que j'en publierai d'autres dans les mois à venir.
Et puis, brutalement, le 29 juin, ce courriel de l'ami éditeur Jacques Brémond me stupéfie :
« Éric Jaumier a décidé de nous quitter. jeudi dernier. l’été commençait juste. départ sans retour. la parution récente de Blanc corbeau ne l’aura pas beaucoup aidé. sa vie bien trop courte me laisse un goût d’inachèvement. je n’aurai pas eu le bonheur de le connaître bien longtemps, et uniquement par correspondance. son manuscrit m’était arrivé par la poste. le scalpel du poème m’avait touché [...] ».
Son presque voisin en Charente-maritime (qui ne l'a jamais rencontré), Didier Gambert, avait trouvé à la librairie « Lignes d'horizons » de Saujon, ce tout récent recueil, Blanc corbeau, et m'avait confié son intention d'en rédiger une note de lecture, quelques jours à peine avant que nous n'apprenions sa disparition subite. Vous trouverez donc cette chronique, dans les pages de ce petit dossier.
J'y joins quelques poèmes que j'avais reçus d'Éric et j'ai l'intention de continuer à publier, dans chaque numéro à venir de Lichen, un à un, les poèmes qu'il m'avait donnés. Pour continuer à faire vivre sa mémoire, son écriture, son cri, « le scalpel du poème » (comme l'écrit Jacques), son « regard poétique agile et pénétrant » (comme l'écrit Claude Margat dans sa préface à Blanc corbeau).
Que ses proches trouvent ici l'expression de notre compassion (au sens premier du terme : de douleur partagée) et notre solidarité, au nom de la poésie.
Pour Lichen, Élisée Bec
Deux poèmes sans titre
Taille
dans le biais
du corps
en travers
de la vue
du pas vu
Dans l’invisible
petites dentelles
visitations
Un saut
dans le biais
de la mémoire
Sous le tapis
d’on ne sait
quoi
On ne sait
quoi
d’invisible
de palpable
de tiré
sous mes pieds
L’oreiller
s’enflamme
Prend
ses marques
s’affranchit
Des contingences
Son
ailleurs
de terre
de tertre
de poussière
d’étoile
se faufile
dans
un sourire....
°
face
faux plat
dans la forge du nom
instille
guette
verse
dans l’empreinte
un psaume de rosée
ce qui échoit
dans la colonne
du jour
une miette
d’intemporel.
°
Mon obscur
1
la peau
rétrécie
voici le jour
fidèle
liant
le corps à
meubler
un trou noir
petite poussière
dans le faisceau
d'une fenêtre
entre-baillée
2
un autre
corps dans
la nuit
là où la
nuit
peut grandir
s'éprouver
3
moi de mémoire
de papillon
tu m'enfanteras
entre tes rêves
entre tes cuisses
tes eaux
le jour obèse
siliconé
ténue dans la pierre
dans la poudre de tes ailes
4
le matin rouge
l'été approche
les cigognes sur
l'étang
je roule vers
leur ciel de bitume
5
mes meurtres
ont la peau
de tes reins
des chasubles
bleues
ils courent après
l'instant
et l'instant du
meurtre est si
peu
vaguelettes
à l'entrée du port
ardoise au bistrot du coin
une balle dans l'horizon
quand l'œil éclate, sourd,
gorgée des millénaires et des flèches obsidiennes.
Liste des poèmes d'Éric Jaumier déjà publiés par Lichen:
« 1 obliques... » et « 2 dispense la voix... » (n° 29, septembre 2018) ;
« 3 tu dois... » (n° 30, octobre 2018) ;
« c'est ici que... » (n° 36, avril 2019) ;
« si les mots... » et « Scopulus » (n° 37, mai 2019) ;
« Et au bord... » (n° 38, juin 2019) ;
« Boire » et « Variation » (n° 39, juillet-août 2019) ;
« Cardère » et « La route veinée... » (n° 40, septembre 2019) ;
« 2 ce qui remonte... » (n° 41, octobre 2019) ;
« 3 la poussière est... » (n° 42, novembre 2019) ;
« Souviens-toi » (n° 43, décembre 2019) ;
« 3 brûlant... » (n° 44, janvier 2020) ;
« La route veinée... » * (n° 45, février 2020) ;
« La cueva de la pileta » (n° 46, mars 2020) ;
« 1 le ciel est... » et « 2 le long nuage rose... » (n° 47).
* Le même poème a été publié deux fois à 5 mois d'intervalle, par erreur de ma part. Mea culpa !
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