Frédéric Abergel

 

Carence de la nuit

 

Le bruit des dents qui se choquent éveille et dérange, accuse le coup, tire du sommeil et te laisse sur le flanc, impromptu somnolant qui cherche la lumière. Les sens activés captifs des dents se râpant affirment que la nuit a vaincu. Les sens ne mentent pas. La nuit étendue tout autour te garde dans ses voiles t’enroule dans son souffle et tes dents qui s’écrient en crissant n’y peuvent rien. En manque de lumière même de lune même d’étoile, en manque de brillance même nocturne même à peine les dents te susurrent des mots faibles et désemparés qui chantonnent l’insomnie tout au long. Tout au long. Tout au bout. Tout au bout. De la nuit étendue.

 

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J’ai rêvé d’un baiser

 

J’ai rêvé d’un baiser deux haleines abouchées envapées l’une l’autre

Et les lèvres et les lèvres

Aspirantes appliquées mutiques et scellées

Ventouses de nos chairs qui se fondent en une seule

Ne laissant qu’un filet de nos airs et nos souffles chanter aux oreilles

J’ai rêvé d’une tension de la gorge d’une flamme dans le ventre

Des yeux qui se vrillent

De vieillesses oubliées de peaux déridées

J’ai rêvé d’un baiser tous mes sens éveillés

 






 

Frédéric Abergel, enseignant-chercheur en mathématiques, voyage(ait) beaucoup, va souvent visiter les montagnes proches ou lointaines. Son « paradis » personnel est en Grèce. Signe particulier : marche, tout le temps, dans Paris, à la campagne ou ailleurs. Écrit depuis longtemps, publie parfois, poste sur http://gasteropode.org des billets consacrés à la marche et la gourmandise, et sur http://courts-ecrits.org des textes courts et poétiques. Présent dans les n° 68, 69, 70, 76 et 77 de Lichen.

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